Se débarrasser des stocks mondiaux de plutonium est un problème urgent. Alors que beaucoup considèrent le retraitement et l'utilisation du plutonium pour alimenter les centrales nucléaires comme un "recyclage", l'IEER pense que la vitrification et la non-utilisation comme combustible est la meilleure solution pour se débarrasser du plutonium. La Russie et les États-Unis sont en train de démonter des milliers de têtes nucléaires, mais ils n'ont pas encore mis en Ïuvre une stratégie efficace pour mettre hors de circulation l'excédent de plutonium militaire. Entre temps, la France, l'Angleterre, le Japon, la Russie et l'Inde continuent de retraiter le combustible usé en provenance des centrales civiles nucléaires pour en extraire du plutonium. Ce plutonium qui, parce qu'il peut être utilisé pour les armes atomiques, vient s'ajouter aux réserves déjà existantes. Bien que les États-Unis n'extraient pas de plutonium pour des raisons militaires ou commerciales, ils ont néanmoins succombé à des pressions pour continuer le financement des installations militaires nucléaires. En février 1996, ils ont remis en marche une usine de retraitement sur le site du Savannah River en Caroline du sud donnant comme raison "la gestion de l'environnement", bien que le retraitement soit la solution la plus mauvaise pour la gestion du combustible usé du point de vue de la protection de l'environnement, du public et de la santé des employés.1 Les nombreuses raisons économiques, techniques, écologiques et de sécurité opposées à l'utilisation du plutonium n'ont pas convaincu ceux qui croient fermement que le plutonium est un trésor d'énergie qui, à long terme, a un rôle à jouer dans l'économie mondiale de l'énergie. De plus, ces partisans du plutonium occupent des postes o ù ils ont une influence considérable dans des pays clés comme la Russie, la France, le Japon, l'Angleterre et, dans une moindre mesure, les États-Unis. Réduire l'écart entre les différentes opinions des États-Unis et de la Russie sur le plutonium Les dirigeants des États-Unis et de la Russie sont en désaccord complet vis-à-vis du plutonium. Le gouvernement russe considère que le plutonium représente une source d'énergie importante et constitue un trésor économique, alors que des leaders américains comme la Secrétaire à l'Énergie Hazel O'Leary et le Conseiller Scientifique auprès du Président, Dr. John H. Gibbons, le considèrent comme un fardeau. Des études menées par l'Académie Nationale des Sciences américaine en 1994 et 1995 ont conclu que l'utilisation du plutonium dans les réacteurs entraînerait une perte nette, même en tenant compte de la vente d'électricité. Cette perte nette serait de la même ampleur que le coût de la vitrification du plutonium. Bien sûr, il y a des organismes aux États-Unis comme par exemple la Société Nucléaire Américaine (American Nuclear Society) dont l'opinion sur le plutonium est proche de l'opinion russe officielle. De plus il y a encore aux États-Unis un fort penchant, y compris au Département de l'Énergie, d'utiliser le plutonium comme combustible sous forme d'oxydes mixtes d'uranium et de plutonium (combustible MOX) dans les centrales nucléaires déjà existantes. Les mêmes opinions ont été exprimées par les leaders russes. La question à long terme de la valeur de plutonium ne peut pas être résolue aujourd'hui; mais on peut néanmoins séparer les questions d'énergie à court et moyen termes des questions à long terme. La plupart des études indépendantes qui ont pris en compte correctement les coûts du retraitement et de la fabrication du combustible ont conclu qu'à l'heure actuelle, parce que l'uranium est abondant et bon marché, le plutonium n'est pas un combustible rentable et ne le sera pas dans un avenir prévisible (voir l'article principal). L'IEER partage cette opinion. Tenant compte du fait que l'uranium est bon marché et des dangers urgents du point de vue de la sécurité, nous sommes d'avis qu'il est possible de se mettre d'accord, pour le moment, de transformer le plutonium en le rendant inutilisable pour la fabrication d'armes, tout en laissant la possibilité de l'utiliser comme source d'énergie plus tard si les conditions économiques et de non-prolifération le permettent. Nous avons deux recommandations principales quant à la gestion du plutonium à court et à moyen termes.
Les gouvernements des États-Unis et de la Russie peuvent traiter des problèmes d'énergie à propos des matières fissiles en créant des mécanismes qui rassureraient ceux qui pensent que le plutonium pourrait devenir une source d'énergie de grande valeur à long terme. Nous recommandons deux actions complémentaires :
Une collaboration entre la Russie et les États-Unis Il y a quelques signes encourageants pour la poursuite d'une politique de non-prolifération en Russie et aux États-Unis. Les États-Unis ne retraitent pas le combustible civil irradié (bien qu'il y ait une usine militaire de retraitement en service) et ils ont commencé de vrais tests sur les déchets radioactifs à très forte activité dans les installations de vitrification à Savannah River Site en Caroline du Sud et à West Valley dans l'État de New York. Avec son usine de vitrification en service à Chelyabinsk-65, la Russie a considérablement plus d'expérience que les États-Unis pour la vitrification des déchets radioactifs à très forte activité. La Russie est aussi en train de faire des expérimentations sur la vitrification du plutonium en se servant de résidus de plutonium non utilisables comme combustible à l'Institut du Radium de Saint-Pétersbourg. La recherche avancée en Russie ainsi que la recherche en cours dans les centres de recherche aux États-Unis, comme par exemple à Savannah River Site et au centre de recherche d'Oak Ridge, peuvent être à la base d'une coopération active et mutuellement bénéfique concernant un des problèmes les plus urgents de notre temps. Les présidents Clinton et Eltsine devraient décider dès maintenant de vitrifier le plutonium pour éviter son détournement vers le marché noir. Dans un premier temps, la Russie et les États-Unis devraient mettre en route conjointement deux usines prototypes - une dans chaque pays - dans le cadre d'un programme de collaboration technique sur la sécurité des matières fissiles. Les États-Unis et la Russie devraient se mettre d'accord pour fermer leurs usines de retraitement et pour ne pas utiliser le plutonium comme combustible. Ils pourraient alors travailler ensemble pour convaincre d'autres pays de fermer leurs usines de retraitement. Seule une collaboration entre la Russie et les États-Unis pour la gestion des matières utilisables pour la fabrication des armes atomiques peut encourager d'autres gouvernements à faire de bons choix pour la gestion de l'environnement et la politique de non-prolifération. Ces choix créeraient de l'emploi dans ces domaines au lieu d'en créer dans des domaines à problèmes comme le retraitement. Les possibilités de détournement du plutonium des stocks militaires ou civils constituent un problème mondial qui appelle une solution mondiale.
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Comments to Outreach Coordinator: ieer@ieer.org
Takoma Park, Maryland, USA
October, 1997