Par Arjun Makhijani
Note de la rédaction : Dans le numéro spécial de Energie et Sécurité n°25, nous affirmions que l'apartheid mondial et l'impérialisme économique ont besoin pour se maintenir de la menace du recours à la force et de l'utilisation fréquente de celle-ci. Les armes nucléaires font partie intégrante de ce système. Nous expliquions également comment la domination du système monétaire mondial est l'une des recettes de base de l'impérialisme. L'article qui suit expose quelques mesures élémentaires qui permettraient d'introduire un minimum d'équité et de transparence dans le système financier mondial.
Nous avons présenté pour la première fois les questions financières comme faisant partie du processus de désarmement nucléaire dans le numéro double 6 et 7 d'Energie et Sécurité de 1999. Les grandes crises mondiales du passé montrent que les questions militaires, politiques, fiscales, commerciales et monétaires sont étroitement imbriquées parce qu'elles constituent toutes des aspects des systèmes de domination les plus répandus. Cet article s'inscrit dans le contexte d'un débat sur la démocratie mondiale et porte particulièrement sur la question de ce qui pourrait remplacer le Fonds monétaire international et ses dispositions injustes, si celui-ci venait à être supprimé.
On trouvera quelques courriers des lecteurs relatifs au numéro spécial d'Energie et Sécurité n°25.
Nous vous invitions à réagir à cet article, plus encore qu'aux autres, dans la mesure où nous nous sommes à nouveau éloignés de nos sujets habituels. Nous l'avons fait parce que nous vivons une période très particulière, parce que le numéro spécial a suscité des réactions positives sans précédent et parce que, indirectement au moins, ces questions sont reliées de manière inextricable et vitale aux questions de sécurité et aux problèmes militaires les plus importants aujourd'hui. Nous publierons certains des courriers des lecteurs sur notre site web, www.ieer.org.1
Certaines de ces évolutions, comme l'unité entre les pays du tiers-monde les plus puissants, autour de négociations commerciales plus équitables, sont salutaires. D'autres développements présentent des risques graves. Par exemple, une compétition entre l'euro et le dollar pourrait se traduire par l'émergence d'un face-à-face entre deux énormes puissances économiques importatrices de pétrole et possédant des armes nucléaires. Dans l'immédiat, elles masquent leurs divergences avec des résolutions du Conseil de sécurité, comme la morne unanimité du vote d'octobre 2003 sur l'Irak sous contrainte des Etats-Unis.11
Pour l’instant, la fixation du prix du pétrole en dollars et les énormes quantités d'actifs libellés en dollars, comme les bons du trésor américains détenus par des gouvernements ou des particuliers, empêchent une chute rapide du dollar. Mais si l'euro commence à prendre le dessus dans la fixation des prix du pétrole, dans un contexte de déficits massifs du commerce et du budget américains, il pourrait s'avérer difficile d'éviter un désastre économique ou une confrontation au niveau mondial.12
Les seuls outils économiques que peuvent utiliser les Etats-Unis pour contenir une chute rapide, voire incontrôlée, de la valeur du dollar, sont des augmentations marquées des taux d'intérêt et de fortes augmentations d'impôts. Tous deux pourraient s'avérer nécessaires pour ne pas tomber dans une situation d'hyper-inflation. L'un ou l'autre des remèdes, pour ne pas dire les deux, pourrait déclencher un net déclin de l'activité économique et même une récession de l'économie mondiale. Il n'est pas exagéré d'établir un parallèle avec les années 30, pendant lesquelles les problèmes économiques, politiques et militaires se sont conjugués de manière désastreuse.
Dans un monde, qui déborde d'armes et de matières nucléaires et d'autres moyens d'infliger des atteintes graves à la société, même ceux qui disposent d'une puissance militaire illimitée pourraient s'apercevoir que les bombes et l'occupation de territoires riches en pétrole ne peuvent assurer une stabilité financière aussi simplement qu’ils l’auraient souhaité. La suprématie du dollar semble maintenant dépendre, au moins partiellement, du succès de l'aventure impérialiste anglo-américaine en Irak, et du maintien de puissantes bases militaires dans la région du Golfe persique.13 Mais l'impérialisme d'occupation et la mise en place de gouvernements accommodants sont des instruments d'une époque révolue, au cours de laquelle la majorité des gens dans le monde étaient condamnés à la servilité et à l'appauvrissement. La tentative visant à restaurer l'impérialisme d'occupation est déjà marquée par son tribut de richesses et de sang. Et ce fait en lui-même est en train de miner les efforts impérialistes, au fur et à mesure que les mouvements de protestation contre ces charges financières et humaines commencent à se faire connaître.
Le monde devra-t-il plonger dans le chaos et conflit avant de pouvoir résoudre ses problèmes ? Ou bien les peuples, les gouvernements et les autres institutions seront-ils capables d'unir suffisamment leurs efforts sur les problèmes qui se posent aujourd'hui pour éviter le désastre ? Un travail est nécessaire sur de nombreux fronts, comme le désarmement nucléaire, la réduction des inégalités à l'intérieur et entre les pays, et la construction d'une démocratie au niveau local et au niveau mondial. Beaucoup de discussions ont déjà porté sur la plupart de ces questions. Mais l'un de ces problèmes, qui vient rapidement occuper le devant de la scène - un système monétaire mondial équitable et fonctionnel qui soit compatible avec la démocratie mondiale, l'autonomie locale, un système commercial ouvert et les droits de l'homme (notamment la liberté de traverser les frontières) - n'a pas retenu l'attention qu'il mérite.
L'alternative à la domination par une monnaie unique et à la concurrence destructrice entre deux devises doit être un système plus démocratique, dans lequel toutes les parties ont des droits égaux dans la gestion de leurs arrangements financiers en interne, pour autant qu'ils respectent leurs engagements vis-à-vis de l'extérieur. Ainsi, au lieu d'une devise internationale dépendant d'un seul gouvernement ou d'un petit groupe de gouvernements puissants, nous avons besoin d'une monnaie internationale stable qui serait gérée par une institution transparente et responsable, dont les règles ne pourraient pas être facilement manipulées au profit d'avantages financiers politiques ou de querelles de clocher.
Différentes approches pour la démocratisation du système monétaire
Trois approches sont possibles pour créer un système monétaire qui n'est pas dominé par une seule monnaie, en l'occurrence le dollar américain. L'une consiste à créer une réserve monétaire mondiale s'appuyant sur une matière première comme l'or. Pour maintenir le prix d'une matière première à un niveau fixe par rapport à une monnaie, il faut de grandes réserves de cette matière, ce qui n'est pas soutenable, comme l'a démontré l'histoire des monnaies basées sur l'or, notamment le dollar américain. Par exemple, depuis 1973, le prix de l'once Troy d'or a varié de 10 à 20 fois par rapport à celui d'un baril de pétrole. Une telle variation du prix relatif entre deux matières premières détenues pour leur valeur est beaucoup trop importante, et n'est pas compatible avec les taux de change des devises définis selon un prix fixe de l'or.
Il existe deux formules permettant de créer un système monétaire mondial qui n'oblige pas à fixer ou gérer le prix d'une matière première. Toutes deux nécessitent la création d'une chambre de compensation internationale pour régler les soldes selon les principes prônés par le célèbre économiste John Maynard Keynes, il y a soixante ans, et toutes deux exigent une nouvelle monnaie internationale. Les deux formules sont les suivantes :
Le système keynésien fait l'hypothèse implicite qu'un facteur unique, le taux de change, est le facteur déterminant ultime dans la balance des paiements d'un pays. Il a été proposé comme mécanisme capable d'arranger les affaires des vainqueurs de la Deuxième guerre mondiale, plutôt que celles des colonies sur lesquelles ils exerçaient alors leur domination. Il est à peu près applicable à une situation où les structures économiques internes des différents pays sont assez semblables. En revanche, l'approche monétaire keynésienne des années 1940 ne peut assurer une justice économique et une équité dans un monde structuré selon un apartheid mondial.
En outre, depuis la "restructuration" des économies du Tiers Monde par le Fonds monétaire international réalisée depuis le début des années 1980, de nombreux éléments indiquent que les dévaluations des devises ne réduisent pas nécessairement les déficits courants. Au contraire, de nombreux pays ont tendance à s'enfoncer dans un endettement perpétuel, un peu à la manière d'un paysan pauvre qui reste endetté auprès de l’usurier du village, et offre ainsi une perpétuelle main-d'œuvre à bon marché. La dette du Tiers Monde, en dollars courants, atteint un niveau environ cinq fois supérieur à celui du début des années 1980, quand le FMI a commencé à imposer ses conditions draconiennes. Globalement, le FMI a réussi à préserver les banques multinationales, mais ses formules, qui visaient soi-disant à résoudre la crise de l'endettement, ont aggravé la situation pour la plupart des gens. La "potion amère" du FMI a guéri les problèmes de portefeuille du docteur, et a laissé le patient dans une situation de détresse plus importante et plus endetté encore.
En revanche, la fixation des taux de change des monnaies en fonction de leur pouvoir d'achat local — c'est-à-dire leur pouvoir d'achat relatif à des biens et services principalement d'origine locale — assurerait une base équitable au commerce entre les pays, dans la mesure où les valeurs relatives de leurs devises traduiraient approximativement la productivité moyenne du travail monétisé.16 Une monnaie mondiale pourrait voir le jour à partir de ce principe.
Une Unité monétaire internationale et des outils adaptés
Une "unité monétaire internationale" (que j'appellerai ‘pécule”17) pourrait correspondre, dans tous les pays et à tout moment, à un "panier" de biens et services spécifiques. Si certains pays suivaient des politiques inflationnistes, leurs monnaies seraient alors automatiquement dévaluées par rapport au pécule, et si les prix baissaient, leurs monnaies seraient réévaluées. Un pécule aurait alors un pouvoir d'achat constant dans tous les pays par rapport à ce "panier" de produits.18
La monnaie internationale serait gérée par une banque centrale mondiale. Une banque de ce type avait été envisagée par Keynes pendant la Deuxième guerre mondiale, quand la Grande-Bretagne cherchait à maintenir une certaine indépendance financière vis-à-vis de l'écrasante domination économique des Etats-Unis qui s'annonçait pour l'après-guerre. Le concept de Keynes, appelé "Union internationale de compensation" (International Clearing Union) se présentait ainsi :
Le concept d'Union internationale de compensation est indépendant de la manière dont les parités (ou les taux de change) sont fixées entre les devises. C'est un mécanisme qui permet de d'organiser le règlement des comptes entre les différents pays. Les investissements dépassant les frontières nationales seraient également enregistrés et seraient intégrés au processus de règlement des comptes. Les importations de capitaux seraient traitées comme des exportations de biens, puisqu'elles apportent de l'argent à un pays, et les exportations de capitaux seraient l'équivalent d'importations de biens. Les importations de capitaux engendrent, bien sûr, des engagements à long terme, dans la mesure où les investisseurs comptent récupérer leurs capitaux et éventuellement les rapatrier, et également obtenir un taux de rendement sur leurs capitaux investis.
Toutes les transactions financières internationales — c'est-à-dire les transactions impliquant des parties dans différents pays, comme des importations ou des exportations de biens ou des investissements étrangers — transiteraient par la banque centrale de chaque pays et seraient enregistrées dans un compte créé pour chaque pays au niveau de l'Union internationale de compensation. Cette Union viserait au règlement des comptes internationaux (comme l'envisageait Keynes) et à l'introduction et au maintien de la monnaie mondiale, le pécule.20 Il ne serait pas nécessaire d'avoir une réglementation des transactions financières internationales dans la mesure où elles peuvent être automatisées, moyennant une supervision et des garanties suffisantes. La structure monétaire laisserait chaque pays libre de définir sa propre politique monétaire interne, par exemple pour les taux d'intérêt et les sommes d'argent en circulation, avec une liberté beaucoup plus grande qu'aujourd'hui, tout en offrant aux créanciers étrangers la sécurité d'un pouvoir d'achat constant dans chaque pays.
Actuellement, les dispositions essentielles pour le règlement des comptes internationaux sont coordonnées par la Banque des règlements internationaux (BRI), qui a pour membres 55 banques centrales dans le monde. La BRI n'est pas une banque et n'a pas de mandat légal international, ce qui lui permet de rester plutôt opaque vis-à-vis de l'opinion publique internationale. Ses principales orientations sont définies par un groupe de dix pays parmi les plus puissants financièrement au niveau mondial (dont les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne), connu sous le nom de G10.21
Dans la mesure où les taux de change ne seraient pas utilisés comme un mécanisme pour rétablir l'équilibre des comptes courants, un système de gestion de la balance des paiements serait nécessaire, si cette dernière venait à être gravement déséquilibrée. De manière générale, les pays maintiendraient des réserves - des combinaisons de matières premières, de titres et de monnaie suffisantes pour maintenir le solde net de leurs comptes auprès de l'Union internationale de compensation à l'intérieur de marges données.
Les pays présentant des déficits de la balance de paiements de leurs comptes courants (grosso modo, avec des importations plus importantes que leurs exportations) et dépassant les limites prédéfinies, pourraient équilibrer ces comptes en vendant des actifs, en augmentant les exportations, en réduisant les importations ou en encourageant les investissements étrangers.22 Les pays qui accumulent des réserves importantes de monnaie internationale par des excédents constants de leur balance des paiements, (pas seulement avec un pays, mais avec tous) au-delà de limites prédéfinies, seraient taxés à moins qu'ils dépensent ou investissent dans un délai raisonnable les excédents en dépassement. En d'autres termes, il faudrait un ensemble de règles pour empêcher un endettement excessif du fait d'une consommation dépassant les moyens d'un pays, ou une thésaurisation excessive de devises internationales du fait de surplus commerciaux importants et constants.
Qui serait affecté ?
Un tel ensemble minimum de règles générales permettrait une autonomie économique locale et nationale bien supérieure pour la grande majorité des populations dans le monde, y compris pour celles des Etats-Unis. Des taux de change basés sur une parité de pouvoir d'achat entraîneraient des réévaluations significatives des monnaies des pays en voie de développement. Les devises des pays en voie de développement seraient (en général) réévaluées de plusieurs fois leur valeur. Ceci renforcerait le pouvoir de négociation des travailleurs des Etats-Unis, d'Europe et du Japon en dissuadant la fuite des capitaux vers des zones de main-d'œuvre à bon marché, simplement du fait que la main-d'œuvre dans ces régions serait bien moins bon marché du fait des réévaluations des devises. Ceci permettrait également d'augmenter significativement le pouvoir d'achat des populations dans les pays en voie de développement, permettant ainsi de réduire la pauvreté et de créer une demande de consommation et d'investissements supplémentaires là où ils sont le plus nécessaires. Finalement, une réévaluation des devises des pays en développement de plusieurs fois leur valeur réduirait les pressions vers l'émigration et encouragerait dans le même temps une plus grande ouverture des frontières. Il y aurait une pression bien moins importante pour une émigration économique des travailleurs vers les Etats-Unis et l'Europe.
Une monnaie internationale et un système bancaire basé sur un pouvoir d'achat constant, contrôlés de manière démocratique, sont incompatibles avec une spéculation fébrile, le blanchiment de l'argent à grande échelle ou les comptes bancaires secrets. Tous les grands comptes étrangers devraient faire l'objet de communications auprès de l'autorité fiscale. Ceci réduirait fortement les transactions bancaires illégales et douteuses.23 Une taxe modeste serait nécessaire pour décourager la spéculation, peut-être de l'ordre de 0,1 pour cent seulement, sur la totalité des transactions importantes sur les devises.24 Une banque qui n'accepterait pas de prélever cette taxe, souvent appelée taxe Tobin, ou de révéler à l'autorité fiscale les informations sur les dépôts importants, ne serait pas autorisée à participer à des transactions internationales.
Certains ont critiqué la taxe Tobin en la qualifiant de néfaste pour les investissements étrangers. C'est une évaluation économique incorrecte. Les décisions impliquant des investissements étrangers ne se prennent pas sur des montants correspondant à 0,1 pour cent de l'investissement. Les dépenses préliminaires pour les recherches et la prise de décision sont généralement bien supérieures. Et les investissements étrangers font intervenir des facteurs économiques, politiques ou de sécurité dont l'importance dépasse de loin l'impact d'une taxe de 0,1 pour cent sur les investissements étrangers. (A titre de comparaison, on peut relever que les voyageurs étrangers paient souvent des primes de plusieurs pour cent sous forme de taux de changes inférieurs au marché et/ou de frais quand ils changent leur argent.)
Qui aurait à supporter les conséquences négatives de l'introduction de telles réformes ? Les grandes compagnies qui ont recours à une main-d'œuvre productive et bon marché verraient une réduction de leurs énormes marges bénéficiaires. Les spéculateurs sur les taux de change se retrouveraient également dans un environnement complètement nouveau. Dans la dynamique de ce changement, les collectivités et les gouvernements locaux, régionaux ou nationaux auraient une capacité accrue de négociation avec les compagnies multinationales sur les conditions des investissements. Ces dernières constituent, bien sûr, la raison principale pour laquelle une restructuration du système monétaire international sera difficile à réaliser, et c'est pourquoi une large coalition au niveau mondial sera nécessaire ne serait-ce que pour mettre cette question à l'ordre du jour international. Mais, tout comme pour d'autres changements fondamentaux qui sont nécessaires dans la société mondiale, par exemple débarrasser le monde des armes nucléaires et des frontières qui délimitent l'apartheid mondial, l'objectif nous fournit la direction. Le processus de lutte nécessaire pour atteindre ce but crée l'expérience démocratique et le fondement d'une démocratie mondiale durable.
Une structure monétaire globale telle que celle qui est évoquée plus haut pourrait, en principe, permettre l'élaboration de diverses monnaies locales à l'intérieur des pays, et laisserait ainsi plus d'espace pour une démocratie économique au niveau local. Des exemples réussis de telles monnaies locales et variables dans le temps sont utilisés dans des endroits comme Ithaca, New York et Chicago.25 Ceci permettrait également des arrangements monétaires associant de nombreux pays à l'échelle d'une région du globe, comme l'euro, pourvu que des liens adaptés soient établis avec l'Union internationale de compensation, et que leurs valeurs soient établies en fonction du pouvoir d'achat de la région. En un mot, un système monétaire mondial démocratique est compatible avec une structuration économique locale, un développement de la culture locale et de l'autonomie politique, ainsi qu'avec des frontières plus ouvertes aux gens comme au commerce.
Une conférence monétaire mondiale
Cette esquisse n'apporte pas de réponse à de nombreuses questions techniques essentielles, par exemple la façon dont le monde traiterait des importantes créances ou des dettes en dollars détenues à l'extérieur des Etats-Unis, les problèmes relatifs aux dettes énormes qui ont été injustement engendrées par les politiques du FMI destinées à protéger les grandes banques et les investisseurs internationaux aux dépens des populations de nombreux pays du Tiers Monde, et la nature du processus de transition vers un système monétaire mondial. Cette proposition ne prétend pas à l'exhaustivité, mais vise à fournir un point de départ à un débat plus spécifique sur ce qui pourrait remplacer l'ordre monétaire actuel, et le Fonds monétaire international qui applique des règles (très soucieuses des intérêts des entreprises), dont la tonalité est avant tout fixée par le Trésor américain.
Le Washington Post a décrit ainsi la manière dont le FMI constitue une "bonne affaire" pour les Etats-Unis : 26
LES NOTES BAS DE PAGE
2 Kate Mayberry “Malaysia Pushes a Gold Standard,” International Herald Tribune, 16 octobre 2003. Sur le Web : http://www.iht.com/ihtsearch.php?id=113774&owner=(Bloomberg%20News)&date=20031016080245.
3 Pierre Vilar, A History of Gold and Money, 1450-1920, traduit en anglais par Judith White. (Londres: NLB, 1976), chapitre 3.
4 “EU in talks on Russian oil for euros,” The News (International), 18 octobre 2003. Sur le Web : http://jang.com.pk/thenews/oct2003-daily/18-10-2003/business/b7.htm.
5 Catherine Belton, “Putin: Why Not Price Oil in Euros?” The Moscow Times, 10 octobre 2003. Sur le Web : http://www.moscowtimes.ru/stories/2003/10/10/001.html.
6 Sergei Blagov, “Russia drops an anchor in Central Asia,” Asia Times Online, 27 oct. 2003. Sur le Web : www.atimes.com/atimes/Central_Asia/EJ25Ag01.html; et Alexander Kirn, “‘Diametrically opposite tasks'," The Times of Central Asia, 25 septembre 2003. Sur le Web : http://www.kabar.kg/english/03/Sep/25/15.htm.
7 La quête du pétrole et du gaz avait commencé bien avant que le 11 septembre 2001 ait permis de qualifier l'entreprise de "Guerre contre le terrorisme". Voir par exemple, Richard Norton-Taylor, “The new Great Game. East and west are jockeying for influence in the Caucasus. The prize is oil and gas,” Guardian Unlimited, 5 mars 2001, sur le web : http://www.guardian.co.uk/Archive/Article/0,4273,4146099,00.html; et Michael Klare, Resource Wars: The New Landscape of Global Conflict (New York: Metropolitan Books, 2001).
8 John Vinocur, “Britain’s Subtle Shift on EU Defense,” International Herald Tribune, 14 octobre 2003. Sur le Web : http://www.iht.com/articles/113629.html.
9 Louis Charbonneau, “Scores of States May Build Nuclear Weapons – ElBaradei,” Reuters dépêches d'agence, 30 septembre 2003. Sur le Web à l'adresse http://www.kiwiingenuity.org/smutraker/archives/000899.html
10 Voir "NATO Assumes Leadership of the International Security Assistance Force in Afghanistan," Press Statement by Philip T. Reeker, Département d'Etat américain, 11 août 2003, sur le Web : http://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2003/23189.htm. L'OTAN pourrait bien se transformer en un instrument militaire au service de l'apartheid mondial. Mais ceci dépendra, entre autres facteurs, de la résolution des nombreuses différences majeures entre les principales puissances occidentales et de certains compromis avec la Russie. Pour une analyse de l'apartheid mondial et des vulnérabilités de l'économie américaine, voir le N° 25 d'Energie et Sécurité (2003) sur le web http://www.ieer.org/ensec/no-25/no25frnc/contents.html, et l'ouvrage d'Arjun Makhijani, Manifesto for Global Democracy: Two Essays on Imperialism and the Struggle for Freedom (New York: Apex Press, 2001).
11 Même si l'Occident en arrivait à une certaine coopération, en partageant le contrôle de zones comme l'Irak et l'Afghanistan, une entente de type 19e s. entre les pays occidentaux aux dépens du reste du monde est très improbable au 21e s. Les aspirations des peuples du monde entier à une place à la table et à une chance raisonnable d'avoir un niveau de vie décent ne risquent guère d'être contrées par un OTAN nucléarisé, pas plus qu'elles ne peuvent être annulées par des Etats-Unis dotés d'armes nucléaires. Dans un monde débordant de matériaux et d'informations sur toutes les façons dont des armes peuvent semer la désolation, le résultat en serait plus probablement un chaos complet.
12 Voir Arjun Makhijani, “L'impérialisme monétaire des Etats-Unis et la guerre contre l'Irak” Energie et Sécurité, numéro spécial, n° 25 2003, et Arjun Makhijani, “Saddam’s Last Laugh,” mars 2001, online at http://www.tompaine.com/feature2.cfm/ID/4110.
13 L'analyse du numéro spécial (n° 25, 2003) d'Energie et Sécurité et les événements depuis cette période m'ont amené à la conclusion selon laquelle l'objectif des Etats-Unis en Irak sera de maintenir à long terme une forte présence militaire dans le pays, ou tout au moins dans les régions riches en pétrole, sous forme de bases, quel que soit la nature finale du gouvernement d'Irak. C'est ce qui s'est passé après la Guerre du Golfe de 1991 pour le Koweit. Il s'ensuit que, dans la limite de la capacité du gouvernement américain à influencer le résultat final, les contours du gouvernement irakien pourraient bien dépendre en bonne partie de la façon dont les partis et les groupes en Irak sont prêts à autoriser une présence militaire américaine à long terme (ou une présence internationale dominée par les Etats-Unis) et le processus politique induit par les Etats-Unis qui permettrait le mieux d'arriver à ce résultat. Toutefois, au moment où j'écris ces lignes (mi-novembre 2003), la forme future du conflit et son issue sont incertaines dans la mesure où la guerre d'Irak se poursuit.
14 Les idées de Keynes sont exposées dans Proposals for an International Clearing Union, Projet de proposition du gouvernement britannique, adressé au secrétaire d'Etat américain au Trésor Henry Morgenthau, Jr., par le Cabinet de Guerre britannique, Comité officiel sur les problèmes économiques extérieurs de l'après-guerre et sur la coopération anglo-américaine, 28 août 1942. Sur le Web à l'adresse http://e-server.e.u-tokyo.ac.jp/Exhibition/keynes/pdf/62.pdf.
15 Ce dispositif a été proposé initialement par Arjun Makhijani dans Oil Prices and the Crises of Debt and Unemployment: Methodological and Structural Aspects, Projet de rapport définitif, Genève : Bureau international du travail des Nations unies, avril 1983, et ensuite par Arjun Makhijani and Robert S. Browne, “Restructuring the International Monetary System,” World Policy Journal, Hiver 1985-86, pages 59-80, et à nouveau, avec quelques légères modifications, dans Arjun Makhijani, From Global Capitalism to Economic Justice (New York: Apex Press, 1992), chapitre 11.
16 Tout le travail n'est pas monétisé. C'est par exemple le cas de la plus grande partie du travail domestique. Les calculs de productivité du travail en économie ne s'appliquent en général qu'au travail échangé contre de l'argent. Pour une analyse de cette question par rapport au travail des femmes, voir la deuxième partie de Manifesto for Global Democracy (New York: Apex Press, 2004).
17 Pecunia est le mot latin pour "argent" et pecus, sa racine, signifie "bétail". Merci à Brice Smith pour la recherche.
18 Sur des périodes s'étendant sur une ou deux décennies, il peut s'avérer nécessaire d'ajuster le panier au fur et à mesure de l'évolution de la composition de l'économie mondiale. Des ajustements semblables sont maintenant faits en intégrant dans les calculs l'inflation, la productivité du travail et la production économique des pays mesurées en fonction de la parité du pouvoir d'achat.
19 Proposals for an International Clearing Union, 1942, op. cit. Point 4.
20 Dans son principe, les règlements des comptes internationaux sont très comparables à ceux des comptes en banque de particuliers, en fonction des paiements et des dépôts qui sont effectués sur celui-ci. Pour une analyse des questions actuelles concernant les opérations de compensations dans le système actuel, voir le site web de la Banque des règlements internationaux, et particulièrement la partie consacrée au Comité sur les systèmes de paiement et de règlement à l'adresse http://www.bis.org/cpss/cpssinfo01.htm.
21 Voir http://www.bis.org/cpss/cpssinfo01.htm.
22 L'investissement étranger n'a pas besoin de provenir d'un pays créditeur, dans la mesure où seuls les comptes globaux d'un pays donné doivent rester dans les limites fixées par le système à long terme.
23 Des débats considérables et quelques améliorations ont eu lieu au cours des dernières années sur les questions de transparence. Pour une analyse du blanchiment des capitaux, des banques off-shore, etc. voir le site du Global Policy Forum sur http://www.globalpolicy.org/nations/launder/general.htm et Michael Levi, "Money Laundering: Private Banking Becomes Less Private," le Rapport mondial sur la corruption de Transparency International en 2001, sur http://gcr.netscript.kunde.sserv.de/download/gcr2001/gi_money_laundering.pdf.
24 Une telle taxe a été proposée par James Tobin, un économiste récompensé par un Prix Nobel.
25 Des explications sur la façon dont fonctionnent ces monnaies alternatives figurent dans : Transaction Net, Complementary Community Currency Systems and Local Exchange Networks, sur http://www.transaction.net/money/community/index.html; Timedollar Institute, Welcome to Time Dollars, at http://www.timedollar.org; et Ithaca HOURS Online, sur http://www.ithacahours.com.
26 “The IMF Under Fire,” [editorial] Washington Post, 10 octobre 1999, page B6.
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(La version anglaise de ce numéro, Science for Democratic Action v. 12, no. 1, a été publiée en décembre 2003.)
Mise en place novembre 2004