Paul Craig et moi-même sommes d’accord sur le principal
problème auquel est confronté le programme d’enfouissement
: il est institutionnel. Avec le DOE aux commandes, il n’y a aucun
espoir d’avoir un programme d’enfouissement valable. Bien
que nous n’ayons pas de désaccord important sur les raisons
de mon avis technique selon lequel Yucca Mountain constituerait un mauvais
site d’enfouissement, Paul est techniquement plus optimiste que
moi sur les perspectives d’avoir un site d’enfouissement
satisfaisant à Yucca Mountain. Il pense que les problèmes
techniques peuvent être surmontés si la recherche est faite
correctement ; je ne suis pas de cette opinion.
Voici mes observations sur Yucca Mountain :
- Un concept de site d’enfouissement satisfaisant devrait comporter
une recherche menée parallèlement sur les barrières
ouvragées et le contexte géologique, de façon
à ce que les barrières soient adaptées au contexte.
Des analogues de matériaux naturels qui retardent la mobilité
des radionucléides peuvent être mis au point spécifiquement
pour le site. Ce principe a été enfreint à Yucca
Mountain. Un métal placé dans environnement humide,
chaud et riche en oxygène comme celui de Yucca Mountain, présente
une vulnérabilité inhérente à la corrosion.
Même si la conception et les expériences en laboratoire
peuvent réduire le taux de corrosion, les conteneurs métalliques
de Yucca Mountain sont en butte au second principe de la thermodynamique,
un ennemi sacrément puissant ; pour le vaincre, il faut une
grande précision dans la prévision des conditions environnementales
et du comportement du site d’enfouissement sur des dizaines
de milliers d’années. Je ne pense pas que le problème
puisse être surmonté de manière raisonnablement
sûre.
- Yucca Mountain ne peut respecter la norme la plus raisonnable pour
les sites d’enfouissement : que la dose maximum soit limitée
à une valeur faible.
- Le fait que Yucca Mountain soit situé dans un désert
présente à la fois un avantage et un sérieux
problème. L’aquifère situé sous Yucca Mountain
est actuellement utilisé pour l’irrigation à seulement
20 miles (32 km) du site. C’est la seule eau disponible. Une
défaillance du confinement se traduirait par une grave contamination.
- Yucca Mountain est tellement complexe que les gens raisonnables,
armés des mêmes faits, seront en désaccord en
toute bonne foi. C’est signe de mauvaise augure. La caractérisation
des sites d’enfouissement doit pouvoir être réalisée
avec une grande assurance. Un contexte géologique complexe,
unique à certains égards, constitue un mauvais emplacement
de ce seul fait.
- L’abandon par l’EPA des normes sur l’eau potable
(Safe Drinking Water standards) pour les terres fédérales
entourant Yucca Mountain constitue un précédent pour
un renoncement similaire sur toutes sortes d’autres sujets.
Yucca Mountain ne peut pas respecter ces normes.
- Un programme de stockage en formation géologique profonde
exige d’être piloté par une agence n’ayant
aucun intérêt dans les programmes qui produisent des
déchets nucléaires. Dans le cas du DOE il s’agit
de la fabrication des armes nucléaires et de promouvoir l’énergie
nucléaire. Pour mener à bien un travail responsable,
la tâche sera difficile quelque soit l’agence. Je suis
de l’opinion que le DOE a démontré qu’il
n’est pas à la hauteur. Il faut une agence nouvelle et
indépendante sans intérêt dans la production de
déchets et qui sera soumise à une supervision stricte.
L’IEER s’est prononcé depuis longtemps en faveur
d’un stockage géologique d’une forme ou d’une
autre (voir Energie
et Sécurité n° 9, 1999), dans un contexte
d’arrêt de la production des armes nucléaires et
d’un abandon de la filière des déchets civils. Ces
objections ne se situent donc pas dans le contexte d’une opposition
générale à l’évacuation en formation
géologique, mais doivent être vues comme spécifiquement
liées au site en cours de développement, à savoir,
Yucca Mountain, et à l’agence, à savoir le DOE,
en charge des travaux.
– Arjun Makhijani
Voir aussi :
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