IEER | Énergie et Sécurité No. 29


Réponse de l’IEER à l’article du Dr Craig

Par Arjun Makhijani


Paul Craig et moi-même sommes d’accord sur le principal problème auquel est confronté le programme d’enfouissement : il est institutionnel. Avec le DOE aux commandes, il n’y a aucun espoir d’avoir un programme d’enfouissement valable. Bien que nous n’ayons pas de désaccord important sur les raisons de mon avis technique selon lequel Yucca Mountain constituerait un mauvais site d’enfouissement, Paul est techniquement plus optimiste que moi sur les perspectives d’avoir un site d’enfouissement satisfaisant à Yucca Mountain. Il pense que les problèmes techniques peuvent être surmontés si la recherche est faite correctement ; je ne suis pas de cette opinion.

Voici mes observations sur Yucca Mountain :

  • Un concept de site d’enfouissement satisfaisant devrait comporter une recherche menée parallèlement sur les barrières ouvragées et le contexte géologique, de façon à ce que les barrières soient adaptées au contexte. Des analogues de matériaux naturels qui retardent la mobilité des radionucléides peuvent être mis au point spécifiquement pour le site. Ce principe a été enfreint à Yucca Mountain. Un métal placé dans environnement humide, chaud et riche en oxygène comme celui de Yucca Mountain, présente une vulnérabilité inhérente à la corrosion. Même si la conception et les expériences en laboratoire peuvent réduire le taux de corrosion, les conteneurs métalliques de Yucca Mountain sont en butte au second principe de la thermodynamique, un ennemi sacrément puissant ; pour le vaincre, il faut une grande précision dans la prévision des conditions environnementales et du comportement du site d’enfouissement sur des dizaines de milliers d’années. Je ne pense pas que le problème puisse être surmonté de manière raisonnablement sûre.
  • Yucca Mountain ne peut respecter la norme la plus raisonnable pour les sites d’enfouissement : que la dose maximum soit limitée à une valeur faible.
  • Le fait que Yucca Mountain soit situé dans un désert présente à la fois un avantage et un sérieux problème. L’aquifère situé sous Yucca Mountain est actuellement utilisé pour l’irrigation à seulement 20 miles (32 km) du site. C’est la seule eau disponible. Une défaillance du confinement se traduirait par une grave contamination.
  • Yucca Mountain est tellement complexe que les gens raisonnables, armés des mêmes faits, seront en désaccord en toute bonne foi. C’est signe de mauvaise augure. La caractérisation des sites d’enfouissement doit pouvoir être réalisée avec une grande assurance. Un contexte géologique complexe, unique à certains égards, constitue un mauvais emplacement de ce seul fait.
  • L’abandon par l’EPA des normes sur l’eau potable (Safe Drinking Water standards) pour les terres fédérales entourant Yucca Mountain constitue un précédent pour un renoncement similaire sur toutes sortes d’autres sujets. Yucca Mountain ne peut pas respecter ces normes.
  • Un programme de stockage en formation géologique profonde exige d’être piloté par une agence n’ayant aucun intérêt dans les programmes qui produisent des déchets nucléaires. Dans le cas du DOE il s’agit de la fabrication des armes nucléaires et de promouvoir l’énergie nucléaire. Pour mener à bien un travail responsable, la tâche sera difficile quelque soit l’agence. Je suis de l’opinion que le DOE a démontré qu’il n’est pas à la hauteur. Il faut une agence nouvelle et indépendante sans intérêt dans la production de déchets et qui sera soumise à une supervision stricte.

L’IEER s’est prononcé depuis longtemps en faveur d’un stockage géologique d’une forme ou d’une autre (voir Energie et Sécurité n° 9, 1999), dans un contexte d’arrêt de la production des armes nucléaires et d’un abandon de la filière des déchets civils. Ces objections ne se situent donc pas dans le contexte d’une opposition générale à l’évacuation en formation géologique, mais doivent être vues comme spécifiquement liées au site en cours de développement, à savoir, Yucca Mountain, et à l’agence, à savoir le DOE, en charge des travaux.

– Arjun Makhijani


Voir aussi :


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(La version anglaise de ce numéro, Science for Democratic Action v. 12, no. 3, a été publiée en juin 2004.)

Mise en place janvier 2005