L a <> s c i e n c e <> p o u r <> l e s <> m
a s s e s <> c r i t i q u e
"La science pour les masses critiques" apparaîtra
régulièrement dans Énergie et Sécurité.
Elle fournira aux lecteurs des éléments de référence
technique pour les questions de politique discutées dans
chaque numéro, ainsi que l'occasion de mesurer leurs
connaissances sur ces points techniques. |
Équilibrer le système énergétique
Puisque la prévision de vent pour un moment spécifique
n’est pas possible l’énergie éolienne n’est
pas « dispatchable » (elle ne peut pas être acheminée
par le réseau). En d’autres termes, une centrale éolienne
peut fournir de l’énergie à un réseau, mais
on ne peut miser à l’avance sur sa disponibilité
pour une période donnée.
Bien que la prévisibilité du vent soit imparfaite, il
est néanmoins possible de programmer ou de vendre à l’avance
la capacité d’une centrale éolienne, comme par exemple
sur un marché « day ahead » (la veille pour le lendemain)
ou « hour-ahead » (horaire). Toutefois, une mauvaise estimation
de la production électrique future entraîne des coûts.
Pour comprendre la nature de ces coûts, il faut prendre en compte
les diverses échelles de temps dans le fonctionnement d’un
réseau électrique. Un bilan des études sur l’impact
et le coût de l’intégration de l’énergie
éolienne au réseau (publié par le National Renewable
Energy Laboratory) (a) décrit succinctement le problème
:
L’équilibrage du réseau électrique intervient
à différentes échelles de temps. Par exemple,
une capacité de production suffisante doit être programmée
et construite avec plusieurs années d’avance de façon
à pouvoir couvrir les exigences de charge. En se rapprochant
du temps réel, les exploitants de réseau prévoient
les demandes de puissance un jour à l’avance et choisissent
les producteurs disponibles qui peuvent couvrir la demande de manière
fiable et au moindre coût. Il est important d’obtenir
des prévisions précises pour des demandes et des productions
individuelles mais seulement parce que, collectivement, elles constituent
une prévision cumulée dans la zone de régulation…
Les erreurs de prévisions entraînent des coûts,
soit parce que l’exploitant du réseau sait que la prévision
n’est pas fiable et intègre des réserves supplémentaires
dans le mix énergétique de la production engagée,
soit parce que des erreurs imprévues obligent à ajuster
le mix de production à la dernière minute. Dans les
deux cas, le mix de production résultant est « sous-optimisé
».1
Sur le long terme, l’énergie éolienne présente
deux avantages liés à l’ajout de capacité.
Les projets éoliens peuvent être construits relativement
rapidement, et il est possible d’augmenter la capacité
très graduellement. Dans la mesure où les prévisions
de charge à long terme des centrales peuvent présenter
des erreurs importantes, les longs délais (de nombreuses années)
de construction habituels pour les centrales nucléaires et à
charbon engendrent des risques qui peuvent être évités
par des centrales éoliennes.
Toutefois, deux réserves doivent être apportées
à cette affirmation. Premièrement, l’énergie
éolienne ne peut servir à la capacité de production
de base sans des moyens de stockage coûteux, qui pourraient annuler
l’avantage apporté par les faibles délais de construction.2
Deuxièmement, des capacités éoliennes ne peuvent
être ajoutées rapidement sur le réseau que s’il
existe une structure de transmission bien développée,
qui relie les zones très ventées où il faut construire
les centrales éoliennes avec un réseau régional.
Ce réseau devra disposer d’une capacité suffisante
pour transporter de grandes quantités d’électricité.
La contrainte sur les transmissions est souvent un élément
déterminant. Moyennant ces deux réserves, l’ajout
de centrales éoliennes au réseau peut réduire les
risques d’erreurs à long terme dans les prévisions
électriques.
Trois autres échelles de temps sont applicables à un
système énergétique :
- Ajustement : Elle intervient à une échelle
de temps allant de quelques secondes à environ 10 minutes.
Les ajustements du système énergétique dans ce
délai sont effectués automatiquement par informatique,
de façon à répondre aux fluctuations rapides
de la demande, qui sont en général réduites par
rapport à la demande totale. Une augmentation de la demande
à cette échéance est couverte par des unités
de production qui sont en ligne mais ne fonctionnent pas à
pleine puissance, et par une réserve tournante.
- Fonctionnement en suivi de charge: Il intervient
à une échelle de temps comprise entre 10 minutes et
plusieurs heures. C’est la période pendant laquelle peuvent
survenir des changements importants de la charge auxquels doit répondre
le système énergétique. Les compagnies électriques
réglementées, qui gèrent elles-mêmes leur
production, leur transmission et leur distribution, ont un fonctionnement
intégré garantissant la disponibilité d’une
capacité suffisante pour absorber les changements de la demande.
Une augmentation de la demande à cette échéance
est couverte par des unités de production qui sont en ligne
mais ne fonctionnent pas à pleine capacité, par la réserve
tournante, et par des unités qui peuvent être démarrées
rapidement le cas échéant, généralement
des turbines à gaz naturel à un seul étage et
des centrales hydroélectriques.
- Engagement des centrales : Cette échelle
de temps fait intervenir l’engagement d’unités
spécifiques qui demandent un temps relativement long pour démarrer
et/ou s’arrêter (plusieurs heures, et parfois plus). Dans
la mesure où des variations de la demande électrique
sur une journée ou d’une saison à l’autre
suivent des schémas prévisibles, les temps d’engagement
d’unités de production sont de l’ordre d’un
à plusieurs jours, en fonction de la saison (de façon
à programmer la maintenance des grandes installations).
Les lignes
de transport de l’électricité et l’intégration
de l’éolien
La capacité des lignes de transport représente
un facteur très important pour déterminer si l’éolien
peut être développé dans des zones favorables
et dans quelle proportion. Mais cela va bien plus loin. L’existence
d’un réseau de transport dense avec une capacité
suffisante peut augmenter le taux de pénétration
de l’éolien pour un coût d’intégration
donné. Même un système de distribution robuste
peut être utile. Par exemple, une bonne partie de la capacité
éolienne terrestre au Danemark ne transite pas par un réseau
de transport à haute tension, mais alimente directement
le système de distribution, diminuant ainsi les pertes
d’énergie et les coûts.
Le terme « réseau de transport
» renvoie à la partie du réseau constituée
de lignes à haute tension pour le transport sur de grandes
distances, alors que ce lui de « système de distribution
» désigne la partie locale du réseau où
la haute tension est progressivement transformée en tensions
plus basses pour desservir finalement les clients résidentiels
et commerciaux et les petites entreprises industrielles. Le transport
de l’électricité sur de longues distances
s’effectue à haute tension pour réduire les
pertes d’énergie.
L’éolien représente déjà
2,4 pour cent de l’approvisionnement électrique de
l’Europe. Dans trois régions d’Europe, la pénétration
de l’éolien atteint 27 % de la capacité (le
Schleswig-Holstein en Allemagne, le Jutland-Funen au Danemark,
et la Navarre en Espagne). Nous n’avons pas connaissance
d’études de coûts détaillées
réalisées sur ce niveau de pénétration
de l’énergie éolienne. Néanmoins, les
compagnies européennes sont en accord avec les missions
politiques et sociales qui rendent l’énergie éolienne
nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction
des émissions de dioxyde de carbone. Les estimations des
coûts pour une future intégration de l’éolien,
c’est-à-dire pour ajouter de nouvelles fermes éoliennes
au réseau, ne sont d’ailleurs pas élevées.
Il sera nécessaire de procéder
à de nombreux investissements non seulement dans les fermes
éoliennes, mais aussi dans les infrastructures, particulièrement
dans les infrastructures de transport, avant qu’une petite
proportion du potentiel physique puisse devenir une réalité
technique et économique dans le système énergétique
américain. |
Extrait de Cash Crop on the Wind Farm (Les moissons de la
ferme éolienne) de Makhijani et al., préparé
pour une présentation lors du Sommet de l’énergie
en Amérique du Nord de l’Association des Gouverneurs de
l’Ouest, 15-16 avril 2004. Sur le web : http://www.ieer.org/reports/wind/cashcrop/
Voir aussi :
LES NOTES BAS DE PAGE
1 Parsons,
et al., Grid Impacts of Wind Power: A Summary of Recent Studies
in the United States. Version provisoire de la présentation
donnée à la Conférence européenne de l’énergie
éolienne, à Madrid (Espagne) en juin 2003. (Golden, CO:
National Renewable Energy Laboratory, 2003).
2 La répartition spatiale des centrales éoliennes
associée à des liaisons à très longue distance
sur le même réseau peut réduire partiellement ce
problème. Ceci pose, bien sûr, d’autres questions
relatives aux investissements nécessaires au transport et à
l’intégration du réseau.
|