IEER | Énergie et Sécurité No. 32


Coûts et risques de l’uranium appauvri liés à un projet d’installation d’enrichissement

Par Arjun Makhijani et Brice Smith1


Quelque 740 000 tonnes d’uranium appauvri sont actuellement stockées, sous forme d’hexafluorure instable, sur trois sites du Département américain de l’Énergie : Paducah au Kentucky, Portsmouth en Ohio et Oak Ridge au Tennessee. L’uranium appauvri est un sous-produit du processus d’enrichissement de l’uranium qui a été réalisé sur ces trois sites au cours des 60 dernières années. L’usine de Portsmouth a été mise en en arrêt prolongé et celle d’Oak Ridge est maintenant définitivement fermée. L’installation d’enrichissement de Paducah est la seule actuellement en fonctionnement aux États-Unis. Elle est gérée par l’United States Enrichment Corporation, la filiale américaine de l’USEC.

LES (Louisiana Energy Services), un consortium industriel dirigé par la compagnie européenne Urenco, souhaite construire une nouvelle usine d’enrichissement d’uranium. L’usine proposée, dont la construction est envisagée dans le Lea County, au Nouveau Mexique, assurerait l’enrichissement de l’uranium pour le combustible des centrales nucléaires américaines. L’USEC cherche à construire une installation similaire dans l’Ohio.

La demande d’autorisation déposée par LES auprès de la Commission de la réglementation nucléaire américaine (NRC) représente la quatrième tentative de la société visant à construire une usine d’enrichissement de l’uranium aux États-Unis. Le premier essai, dont l’objectif était la construction d’une usine en Louisiane, a coûté plus de 30 millions de dollars à LES. LES a retiré sa demande après la remise en cause par un groupe de citoyens de l’étude d’impact sur l’environnement de la NRC pour ce projet, appelé Clairborne Enrichment Center (CEC), pour des motifs de justice environnementale. Deux autres sites, tous deux dans le Tennessee, ont également été envisagés mais abandonnés après s’être heurtés à l’opposition locale. Pendant tout ce temps, la question de l’évacuation de l’uranium appauvri produit par le processus d’enrichissement est restée une préoccupation centrale du public.

Cet article est basé sur un rapport de l’IEER qui évalue les problèmes relatifs à la gestion et à l’évacuation de l’uranium appauvri qui serait généré par l’installation proposée par LES. Ce rapport, préparé à l’intention de groupes d’intérêt public, le Nuclear Information and Resource Service (NIRS) et Public Citizen, était destiné à être utilisé pour leur action juridique dans le cadre de la procédure d’autorisation de LES. Une version expurgée du rapport, qui ne contient pas les données financières confidentielles de LES, a été rendue publique en février 2005. On pourra trouver les références correspondant à cet article dans le rapport de l’IEER, Costs and Risks of Management and Disposal of Depleted Uranium from the National Enrichment Facility Proposed to be Built in Lea County New Mexico by LES, disponible en ligne à l’adresse www.ieer.org/reports/du/LESrptfeb05.pdf. Cet article analyse aussi une décision de la NRC parue à la suite du rapport de l’IEER et en réponse à celui-ci, ainsi que certaines questions juridiques soulevées par le NIRS et Public Citizen.

L’enrichissement de l’uranium

L’enrichissement est le processus qui consiste à augmenter la proportion de l’isotope U-235 dans l’uranium. L’uranium naturel qui alimente une usine d’enrichissement aboutit à deux flux en sortie. Le premier, le flux enrichi, est utilisé pour le combustible (après d’autres traitements chimiques et physiques). L’autre flux est l’uranium appauvri, ainsi appelé parce qu’il est appauvri en U-235.

Différents types de procédés permettent l’enrichissement de l’uranium. Dans les procédés civils, l’uranium doit être mis sous une forme chimique appelée hexafluorure d'uranium (UF6). Lorsqu’il est porté à des températures relativement faibles, l’UF6 se sublime en un gaz. Lorsqu’on le fait passer à travers une barrière de diffusion ou dans une centrifugeuse de conception adaptée, l’hexafluorure d’uranium gazeux peut générer les deux flux (enrichi et appauvri) qui constituent la production finale d’une usine d’enrichissement.

Déchets de faible activité

Les déchets radioactifs civils de faible activité (DFA) sont définis aux États-Unis par défaut, par leur non-appartenance à d’autres catégories. Selon les réglementations de la Commission de réglementation nucléaire (NRC), les déchets de faible activité sont des « déchets radioactifs qui ne sont pas classés comme déchets radioactifs de haute activité, déchets transuraniens, combustible nucléaire usé, ou sous-produits [par ex. résidus miniers de l’uranium ou du thorium]…

La catégorie des déchets radioactifs de « faible activité » comprend donc un petit peu tout, depuis des déchets légèrement radioactifs (tels que serpillières, gants et surbottes), jusqu’à des métaux activés hautement radioactifs issus de l’intérieur des réacteurs. On y trouve à la fois des radionucléides à vie courte et à vie longue.

Les réglementations de la NRC subdivisent les déchets civils de faible activité en quatre catégories, qui sont déterminées par les types de radionucléides qui composent les déchets et leurs concentrations. Ces catégories sont appelées Classe A, Classe B, Classe C et « Supérieurs à la Classe C ».

La Classe A englobe les déchets les moins radioactifs en moyenne, principalement contaminés par ce que la NRC appelle des radionucléides « à vie courte ».

Les Classes B et C sont plus radioactives : La Classe B peut être contaminée par des quantités plus importantes de radionucléides « à vie courte » que la Classe A, et la Classe C par des quantités supérieures de radionucléides à vie longue et à vie courte que la Classe A ou B.

La Classe "Supérieure à la Classe C" englobe des déchets le plus souvent beaucoup plus radioactifs que ceux des autres classes, et on considère généralement que ces derniers ne peuvent être enfouis en faible profondeur, la méthode d’évacuation choisie le plus souvent pour les Classes A, B et C aux Etats-Unis. L’enfouissement en faible profondeur se faisait auparavant pour l’essentiel dans de simples décharges, mais ce concept intègre maintenant des structures plus élaborées.

Source : Makhijani et Saleska, High-Level Dollars, Low-Level Sense, IEER (New York: Apex Press, 1992).

L'uranium appauvri : une ressource ou un déchet ?

Au fur et à mesure de l’augmentation des stocks d’uranium appauvri (UA), la question de sa gestion et de son évacuation est devenue de plus en plus importante. Aucune stratégie d’évacuation définitive n’a été choisie ou analysée de façon approfondie par le Département de l’Énergie (DOE) pour son stock d’uranium appauvri décrit plus haut. En fait, il n’existe pas, nulle part au monde, un seul site de stockage définitif pour de grandes quantités d’UA. Le DOE envisage encore pour son UA des utilisations possibles, mais très improbables.

Jusqu’à cette année, l’UA était en fait classé comme « matière (nucléaire) brute» par les autorités réglementaires fédérales (de la même manière que le minerai d’uranium naturel) et non comme déchet nucléaire. En janvier 2005, la NRC a examiné la question de la classification de l’UA provenant d’une installation d’enrichissement de l’uranium dans l’hypothèse de son évacuation. Le 18 janvier dernier, la NRC a décidé que l’UA, s’il était destiné à être évacué, devait être considéré comme un déchet de faible activité. La décision de la NRC a été promulguée en réponse au rapport de l’IEER qui a servi de base à cet article.

Si la décision de la NRC a changé officiellement le statut de l’UA, elle a, en revanche, laissé planer une certaine ambiguïté sur la façon dont celui-ci peut être évacué. Les fonctionnaires de la Commission considèrent que l’UA destiné à être évacué est un déchet de faible activité de « Classe A » parce qu’il n’est pas explicitement mentionné dans la réglementation qui régit les déchets de Classe B, C, ou supérieurs à la classe C (Greater Than Class C – GTCC). (Voir l’encadré pour les définitions des différents types de déchets de faible activité.) La Commission elle-même a toutefois pris une décision d’ordre plus général, qui stipule que l’UA, qui n’est pas un déchet radioactif de haute activité, un déchet transuranien, du combustible usé ou une matière dérivée, doit être globalement placé dans la catégorie des « déchets de faible activité ». Elle n’a en revanche pris aucune décision sur la façon dont l’UA se rattache aux classifications précises prévues dans la réglementation.

Du point de vue de ses propriétés radiologiques, l’uranium appauvri ne peut être considéré comme analogue aux déchets de faible activité de Classe A, ni au minerai d’uranium à l’état naturel. L’UA est plus directement comparable aux déchets de la catégorie GTCC ou aux déchets transuraniens (TRU). Selon la réglementation fédérale, les déchets transuraniens présentent une activité spécifique supérieure à 100 nanocuries par gramme (nCi/g) en radionucléides transuraniens à vie longue qui émettent un rayonnement alpha (en plutonium, par exemple). L’UA a une activité spécifique comprise entre 300 et 400 nCi/g si l’on tient compte de l’activité des trois isotopes de l’uranium.

Les déchets transuraniens sont similaires à la classification des déchets GTCC en termes de traitement des émetteurs alpha à vie longue. L’élément important de la classification, du point de vue de cette analyse, est la limite de 100 nCi/g d’éléments transuraniens. Les déchets transuraniens issus des installations du DOE sont maintenant stockés dans un site géologique profond au Nouveau Mexique. Il s’agit de l’installation pilote de confinement des déchets (Waste Isolation Pilot Plant-WIPP), un projet de plusieurs milliards de dollars à l’initiative du gouvernement fédéral.

La similitude entre l’UA et les déchets transuraniens avait été relevée dans un rapport du Conseil national de la recherche (NRC), en fonction tout à la fois des caractéristiques radiologiques et des difficultés relatives à leur évacuation :

Si l’évacuation [de l’oxyde d’uranium appauvri] est nécessaire, elle ne sera probablement pas simple. L’activité alpha de l’UA est de 200 à 300 nanocuries par gramme. L’évacuation en formation géologique est exigée pour les déchets transuraniens dont l’activité alpha dépasse 100 nanocuries par gramme. Si l’uranium était un élément transuranien, sa radioactivité nécessiterait qu’il soit évacué au WIPP. La toxicité chimique de cette quantité très importante de matières poserait certainement aussi problème.

Le tableau 1 fait apparaître que l’uranium appauvri, sous ses formes chimiques concernées par l’évacuation, présente des activités supérieures à la limite existant pour les déchets transuraniens. L’activité spécifique et la quantité totale d’UA qui seraient générées par le projet d’usine d’enrichissement d’uranium de LES figurent parmi les facteurs les plus importants lorsqu’on prend en compte son impact sanitaire et écologique et ses coûts finaux.

Tableau 1 : Activités spécifiques de différentes formes chimiques d’uranium appauvri, de déchets transuraniens et de minerai d’uranium typique, avec une teneur en poids de 0,2 % d’uranium naturel.

<Forme chimique Activité spécifique, nCi/g<
uranium métal (UA) 400
dioxyde d’uranium (DUO2) 350
oxyde d’uranium (DU3O8) 340
activité des transuraniens dans les déchets TRU ou GTCC (voir remarque) >100
minerai d’uranium à 0,2 % 4 (Voir remarque)

Remarque : L’activité spécifique présentée par le minerai d’uranium à 0,2 % tient compte de tous les descendants de l’uranium jusqu’au radium 226 inclus, en supposant qu’ils sont en équilibre séculaire avec l’uranium 238. Le radon 222 et ses descendants ne sont pas compris dans ce chiffre. Toutes les valeurs qui figurent dans le tableau sont données en valeurs arrondies. Les légères différences qui existent entre la définition des déchets transuraniens de l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA) et la définition de la NRC, pour les déchets supérieurs à la classe C (GTCC) et du point de vue des radionucléides transuraniens, ne sont pas significatives dans cette analyse, dans la mesure où l’UA n’est comparable à aucune.

Lorsqu’on envisage les impacts à long terme de l’évacuation de l’uranium appauvri, il est également important de tenir compte de l’accumulation des descendants de l’uranium. Outre une augmentation de la quantité d’U 234 présente dans l’UA, deux autres produits de filiation importants de l’U238 doivent être pris en compte : le thorium 230 et le radium 226. L’accumulation de radionucléides émetteurs alpha à vie longue supplémentaires vient à nouveau justifier le classement de l’UA dans la catégorie des déchets transuraniens.

En fait, comme le montre le tableau 2, si l’on tient compte des descendants, les risques en termes de mortalité par becquerel d’UA absorbé sont globalement environ quatre fois supérieurs à ceux du plutonium 239. Le tableau fait également apparaître que, lorsqu’on effectue une correction en fonction de la plus grande activité spécifique de l’U3O8 appauvri par rapport au seuil de 100 nanocuries par gramme des déchets transuraniens, le risque de chacun des isotopes de l’uranium appauvri (uranium 238, uranium 234, thorium 230 et radium 226) dépasse le risque du plutonium 239. À eux tous, l’UA et ses descendants primaires présentent un risque supérieur d’environ un ordre de grandeur (en termes de mortalité par cancer par unité de masse absorbée) par rapport aux déchets transuraniens renfermant plus de 100 nanocuries par gramme de plutonium 239.

Tableau 2 : Comparaison de la mortalité par becquerel (Bq) et de la mortalité par gramme d’oxyde d’uranium appauvri en équilibre séculaire, à la mortalité de 100 nCi de plutonium 239 (c-à-d la quantité contenue dans les déchets transuraniens à 100 nCi par gramme)

Radionucléide Mortalité par Bq par ingestion d’eau du robinet Mortalité par Bq par incorporation alimentaire Taux de mortalité par Bq par rapport au Pu – Eau du robinet Taux de mortalité par Bq par rapport au Pu – Alimentation Taux de mortalité par gramme d’UA comparé à un gramme de déchets TRU avec du Pu 239 à 100 nCi/g – Eau du robinet Taux de mortalité par gramme d’UA comparé à un gramme de déchets TRU avec du Pu 239 à 100 nCi/g - Alimentation
Uranium 238 1,13E-09 1,51E-09 0,40 0,42 1,34 1,41
Uranium 234 1,24E-09 1,66E-09 0,44 0,46 1,48 1,55
Thorium 230 1,67E-09 2,16E-09 0,59 0,60 1,99 2,05
Radium 226 7,17E-09 9,56E-09 2,52 2,63 8,53 8,93
Uranium appauvri – taux de mortalité total en équilibre séculaire     3,93 4,11 13,34 13,94
Plutonium 239 2,85E-09 3,63E-09        

Remarque : “E-09” est une autre manière d’écrire “x 10-9”. La source pour les taux de mortalité liés à l’eau potable et à l’alimentation est le Rapport 13 de l’EPA Federal Guidance. Les deux colonnes de droite indiquent le rapport entre les taux de mortalité pour l’uranium et ses descendants par rapport au plutonium 239, après correction pour tenir compte de la plus grande activité spécifique de l’U3O8 appauvri, comparée à celle des éléments transuraniens au seuil des déchets TRU.

De plus, l’uranium et ses descendants (à l’exception peut-être du thorium 230) ont, en général, une mobilité dans l’environnement comparable ou supérieure à celle du plutonium.

Par conséquent, d’un point de vue réglementaire comme d’un point de vue scientifique, les risques qui résulteraient de l’évacuation de l’UA ne peuvent être considérés comme inférieurs à ceux qui découlent de l’évacuation des déchets transuraniens. Placer l’UA dans la catégorie des déchets de Classe A ou dans celle des déchets de faible activité ne change rien aux dangers qu’il peut occasionner. Le fait que la Commission ait décidé que les déchets d’UA sont des déchets de faible activité ne signifie pas pour autant que l’UA peut être évacué dans un site d’enfouissement en surface en conformité avec le code 10 CFR 60.55 (a), comme c’est le cas pour certains types de déchets de faible activité.

La décision de la Commission est moins critiquable, que la position des fonctionnaires de la NRC, qui considèrent que les déchets d’UA doivent être placés dans la catégorie des déchets de Classe A. L’évacuation des déchets de Classe A, qui sont généralement moins radioactifs ou contiennent des isotopes à durée de vie plus courte que les autres classes de déchets, est régie d’une manière moins protectrice que les autres catégories de déchets de faible activité. La réglementation stipule que la dose estimée pour un être humain résultant de l’évacuation de déchets à faible activité ne doit pas dépasser 25 millirems par an (mrem/an).

On estime généralement qu’un stockage en surface n’est pas adapté aux déchets transuraniens ou GTCC à longue durée de vie. Une évacuation en couche géologique profonde est normalement indispensable pour ces déchets. Dans le cas du Clairborne Enrichment Center, les fonctionnaires de la NRC ont considéré que l’uranium appauvri sous forme de poudre d’U3O8 était un déchet de Classe A. Toutefois, l’analyse des fonctionnaires de la NRC elle-même, dans l’Étude finale d'impact sur l'environnement pour le CEC (CEC FEIS), a fait apparaître qu’une évacuation par stockage en surface entraînerait des doses excédant la limite de 25 mrem/an imposée par la réglementation pour l’exposition du public liée au cycle du combustible nucléaire.

À ce problème de classification des déchets s’ajoute l’éventualité que la toxicité chimique avérée de l’uranium, et les récents travaux faisant apparaître des problèmes supplémentaires liés aux effets de l’UA dans le corps (décrits de façon plus détaillée dans l’article d’accompagnement), pourraient amener l’uranium appauvri à être traité comme un déchet mixte, qui serait ainsi partiellement concerné par les dispositions du Resource Conservation and Recovery Act (RCRA) .

Doses liées à l’évacuation de l’UA

LES a décrit deux options pour la « déconversion » et l’évacuation des résidus d’UF6 appauvri qui seraient produits par l’usine d’enrichissement proposée :

(1) l’utilisation des installations du DOE une fois que le stock gouvernemental d’UF6 appauvri a été « déconverti », et

(2) la construction d’une usine privée de “déconversion” pour ne traiter que le volume d’UF6 appauvri qui serait produit par l’usine d’enrichissement proposée par LES.

L’IEER est arrivé à la conclusion qu’aucune des deux options présentées dans l’Étude provisoire d'impact sur l'environnement (DEIS) pour l’usine LES ne peut être considérée comme une stratégie plausible pour l’évacuation des résidus d’uranium appauvri qui proviendraient de l’exploitation de l’usine d’enrichissement proposée. Étant donné le médiocre bilan du DOE et son incapacité à honorer ses obligations, notamment dans le cas de Yucca Mountain , ainsi que pour les grandes quantités d’UA qui lui appartiennent et doivent être gérées, les incertitudes relevant de l’option du DOE sont telles qu’elle ne peut être considérée comme une stratégie crédible, même si un engagement écrit était obtenu pour confirmer son acceptation de l’UA de LES.

D’un autre côté, si LES utilisait une usine privée de “déconversion”, l’entreprise serait responsable de l’évacuation de l’UA. Dans ce cas, LES pourrait envisager un stockage en surface sur un site en Utah (Envirocare) ou au Texas, juste de l’autre côté de la frontière par rapport à l’usine LES proposée au Nouveau Mexique (Waste Control Specialists). Pourtant, aucune analyse de sites de stockage en surface n’apparaît dans l’Étude préliminaire d’impact sur l’environnement de la NRC.

Estimations de dose de la NRC – stockage en profondeur

L’étude d’impact préliminaire actuelle propose que l’UA produit par l’usine projetée par LES soit évacué dans une mine désaffectée. L’étude préliminaire donne une prévision des doses pour le grand public (c-à-d la quantité d’uranium qui s’accumulerait dans le corps d’une personne vivant au-dessus d’une telle mine et buvant de l’eau issue de la nappe phréatique), et affirme que ces doses seraient très inférieures à la limite réglementaire de 25 mrem/an. La NRC indique que ces prévisions sont basées sur celles de l’étude finale CEC (CEC FEIS) de 1994. Malgré cette affirmation, la NRC s’est avérée incapable de fournir à l’IEER les méthodes et les hypothèses qui ont servi à établir ces calculs de dose. Les éléments détaillés des calculs de la CEC FEIS ne sont apparemment plus accessibles, même par la NRC elle-même.

Cet élément est important, parce que les doses issues de l’U238 estimées dans l’étude finale pour le CEC pour le stockage profond (dans une mine) sont incroyablement basses (au sens propre). Par exemple, dans le cas du CEC, la NRC a estimé que la dose pour l’eau potable, résultant de l’évacuation dans une mine de dizaines de milliers de tonnes de poudre d’U3O8 appauvri pur, serait entre un millionième et un millionième de millionième de fois inférieure aux niveaux habituels provenant des petites quantités d’uranium présentes à l’état naturel dans l’eau.

Les estimations de l’IEER montrent que les calculs de dose de la NRC sont probablement faux de plusieurs ordres de grandeur. Il est néanmoins impossible de faire une démonstration complète des problèmes des calculs de la NRC, cette dernière n’ayant pas fourni les méthodes et informations détaillées utilisées pour ses calculs concernant l’installation proposée par LES.

Estimations de dose de l’IEER – stockage en profondeur

Compte tenu de l’incapacité apparente de la NRC à faire part de ses calculs, l’IEER a procédé à des estimations simples des doses potentielles qu’une personne hypothétique vivant au-dessus de la mine dans laquelle l’UA a été stocké pourrait recevoir. Nous avons supposé que l’eau rentrerait dans la mine et atteindrait un équilibre avec la poudre d’uranium appauvri (c-à-d que suffisamment de temps se serait écoulé pour que toutes les réactions chimiques importantes aient eu lieu). Ce calcul a été répété pour deux situations : présence ou absence de dioxyde de carbone (c-à-d d’air) dans la mine. Nous avons fait l’hypothèse que toute l’eau potable proviendrait d’un puits foré dans la mine.

Dans ces conditions, la dose pour l’eau potable provenant du seul U238 a été estimée à plusieurs dizaines de millirems par an. La limite actuelle pour l’eau potable, tous radionucléides confondus, est de 4 mrem/an. La dose issue des autres isotopes de l’uranium et des autres descendants s’ajouterait à la dose potentielle totale. Nous avons également établi que la quantité d’U238 dans l’eau de la mine atteindrait approximativement 6 à 20 fois la limite actuelle de l’EPA pour l’eau potable, fixée à 30 microgrammes d’uranium total par litre (µg/l).

À titre de comparaison, nous avons calculé que si un millionième seulement de l’uranium dissous dans l’eau remplissant la mine (d’un volume de 20 000 m3) atteignait l’eau potable, la dilution nécessaire pour réduire la dose d’U238 aux niveaux donnés par le calcul de la NRC dans l’étude finale pour l’évacuation dans une mine de grès/basalte, conduirait à un volume d’eau supérieur à celui de l’ensemble des Grands Lacs.

Notre analyse montre qu’il est raisonnable de considérer les scénarios de la NRC pour l’eau de puits figurant dans le dossier CEC, (et donc également dans le dossier LES actuel), comme scientifiquement invraisemblables, et probablement faux à un ou plusieurs niveaux. Une évaluation définitive de cette question ne peut être faite tant que la NRC n’aura pas fourni toutes les informations concernant ses calculs, notamment les modèles utilisés, la façon dont ils ont été exploités, et les diverses hypothèses qui ont été retenues à propos du site, des paramètres du modèle et des scénarios d’exposition. Jusqu’ici, la NRC s’est avérée incapable d’étayer ses allégations selon lesquelles les doses radioactives provenant de l’évacuation de l’uranium appauvri dans une mine abandonnée n’excéderaient pas les limites réglementaires. Une analyse sans données ne peut être acceptable dans aucun cadre, et encore moins dans celui d’une étude d’impact sur l’environnement préparée par une agence gouvernementale chargée de la protection de la santé et de la sécurité du public.

Nos évaluations préliminaires montrent que des calculs génériques ne constituent pas une base plausible pour supposer que l’évacuation dans une mine non précisée peut respecter des critères de doses radioactives ou d’autres normes sanitaires. Des évaluations propres au site sont nécessaires lorsqu’il s’agit d’envisager l’évacuation de l’uranium appauvri.

Estimations de dose de l’IEER – stockage en surface

Outre son analyse du stockage en profondeur, l’IEER a également procédé à un certain nombre de tests de différents scénarios avec ResRad, pour obtenir une estimation de doses en fonction de diverses hypothèses de stockage de l’UA en surface, dans le climat aride qui est concerné ici. Le programme de modélisation ResRad, créé à l’Argonne National Laboratory, a été accepté par la NRC pour le calcul de doses dans le contexte du déclassement des installations nucléaires. Pour ces tests, nous avons conservé l’hypothèse par défaut de ResRad, qui prend comme « personne de référence » un homme blanc de 70 kg pour son évaluation de l’exposition à la radioactivité. Cette hypothèse ne tient pas compte du fait que les enfants risquent d’être une population plus sensible aux effets chimiques et radiologiques de l’uranium. Toutefois, comme nous le montrons plus loin, il est extrêmement improbable que le stockage en surface de l’uranium puisse respecter les réglementations en matière de santé et sécurité, même pour « l’homme de référence ».

Les résultats de ces calculs préliminaires très élémentaires sont reportés dans le Tableau 3. Il est à noter que tous les résultats sont supérieurs de plusieurs ordres de grandeur à la limite réglementaire de 25 mrem/an (soit 0,025 rem/an). Ils montrent qu’un stockage en surface n’est pas non plus une stratégie d’évacuation plausible.

Tableau 3 – Synthèse des calculs de dose de l’IEER pour un stockage en surface de poudre d’U3O8 appauvri

Remarque : les doses sont données en rem/an à distinguer des mrem/an

Dose provenant de l’U238 Dose provenant de l’U235 Dose provenant de l’U234 Pic de dose total (rem/an) Limite réglementaire (rem par an) Moment du pic de dose (nb d’années après le stockage)
32 à 658 14 à 47 81 à 200 141 à 795 0,025 9 807 à 17 412

Remarques : Les estimations de dose sont présentées sous forme de fourchettes, parce qu’elles ont été calculées à partir de divers scénarios, chacun utilisant une combinaison unique de valeurs pour la mobilité des polluants, l’humidité disponible et le degré d’érosion. Tous les scénarios font l’hypothèse d’un climat aride. Les doses annuelles indiquées pour les différents isotopes de l’uranium tiennent également compte de la contribution de leurs descendants radioactifs respectifs. Tous les nombres sont arrondis.

Nous ne prétendons pas que nos calculs soient complets ou définitifs. Il s’agit au contraire de calculs préliminaires très simples, qui présentent de nombreuses hypothèses génériques et par défaut. Ils visent en fait à savoir (a) si les calculs de la NRC dans l’étude d’impact finale du CEC sont raisonnables et défendables, dans la mesure où la Commission prétend qu’ils sont dérivés de la même manière que les estimations de l’enquête préliminaire actuelle pour LES, et (b) si des calculs génériques constituent une base raisonnable pour apprécier la conformité aux réglementations existantes. Comme nous l’avons fait remarquer plus haut, la réponse à ces deux questions est très probablement négative.

À son crédit, dans sa décision de janvier 2005, la NRC partage l’argument de l’IEER selon lequel l’UA est suffisamment dangereux pour empêcher qu’une méthode d’évacuation soit déterminée sans analyse supplémentaire :

Il existe une question plus difficile, à laquelle nous n’avons pas besoin de répondre aujourd’hui. Il s’agit de savoir si les matières du LES, dans les volumes et la concentration proposés, respecteraient les exigences de l’Article 61 pour le stockage en surface. La Commission partage l’avis des parties intervenantes sur le fait qu’une conclusion définitive sur cette question et celles qui touchent aux méthodes d’évacuation ne peut être arrêtée pour le moment, et pourraient nécessiter des analyses supplémentaires sur la sûreté et l’environnement. Notre décision ne doit pas être comprise comme une façon de suggérer un quelconque avis de la Commission sur cette question, qui a trait à la fois à la crédibilité des options de stockage privé proposées par LES, et aux assurances financières. Ces problèmes restent à être tranchés par le Bureau.

Risques sanitaires émergents

Malgré la quantité relativement limitée des données disponibles, le panorama des risques sanitaires liés à l’uranium appauvri qui apparaît maintenant plaide en faveur de la prudence dans la gestion et l’évacuation de l’UA. Des études récentes sur les effets sur la santé de l’UA, réalisées en bonne partie par l’Armed Forces Radiobiology Research Institute après la Guerre du Golfe de 1991, montrent que l’uranium appauvri peut être mutagène, tumorigène, tératogène, cytotoxique et neurotoxique. Il peut donc provoquer ou contribuer à des mutations génétiques, des tumeurs, des anomalies congénitales, une toxicité au niveau cellulaire et des lésions neurologiques. L’uranium peut aussi nuire à la croissance des os, traverser le placenta et porter atteinte à l’embryon ou au fœtus.

Les nouvelles études montrent que l’uranium, outre son impact sur le squelette, la reproduction, et sur l’induction et/ou la promotion du cancer, peut aussi fonctionner comme une sorte de plomb radioactif du point de vue de ses impacts neurologiques. Dans beaucoup de ces domaines, des indications suggèrent l’éventualité d’une interaction synergétique entre les lésions provoquées par le métal lourd et celles qui résultent de sa radioactivité. Pour plus d’informations sur cet aspect, voir l’article page 1 dans ce même numéro.

Des données et des éléments de compréhension nouveaux sur les effets de l’uranium sur la santé se dessinent actuellement dans des domaines auxquels on avait jusqu’ici accordé peu d’attention. Ces recherches devraient jouer un rôle important dans l’orientation des futures études de risque sur l’UA. Il est vraisemblable que des obligations beaucoup plus strictes devront être adoptées pour l’évacuation de l’UA si l’uranium s’avère beaucoup plus dangereux qu’on le croit actuellement, et c’est tout particulièrement la santé des enfants qui devra être protégée dans cette hypothèse. Après tout, au cours des décennies écoulées, les normes régissant le secteur nucléaire ont été ponctuellement actualisées pour rendre compte de la compréhension des risques qui a cours.

L’usine d’enrichissement que LES se propose de construire produira d’importantes quantités d’UA au cours des prochaines décennies. Cette période correspondra aussi à des avancées probablement rapides et importantes dans la compréhension que nous avons de l’uranium et de ses effets sur la santé, à la fois isolément et en association avec d’autres agents stressants dans l’environnement. Dans ce contexte, LES et la NRC, qui a la responsabilité légale de la protection de la santé publique, doivent mettre en œuvre une stratégie de gestion et d’évacuation qui aura une forte probabilité d’atteindre cet objectif. Ils doivent être prêts à modifier et adapter leurs projets si les risques radioactifs en général et les risques de l’uranium en particulier s’avèrent supérieurs à ce qu’on pensait précédemment, et à prendre des dispositions pour protéger notamment la santé des femmes et des enfants. L’étude d’impact préliminaire de la NRC fait preuve d’une insuffisance grave en ne mentionnant pas les éléments actuels qui suggèrent de tels risques pour la santé, sans même parler de leur évaluation dans le contexte de la gestion et de l’évacuation de l’UA. L’intégration d’un budget spécifique à cet aspect constitue l’une des composantes incontournables dans l’intégration de cette flexibilité.

La NRC doit prendre en compte les risques toujours plus nombreux suggérés par les études actuelles, particulièrement dans la mesure où ils sont beaucoup plus diversifiés que les risques pour la santé envisagés actuellement. Dans le cas contraire, les enfants pourraient hériter d’un fardeau comparable à celui de l’empoisonnement au plomb lors des trois dernières générations, mais, dans le cas qui nous préoccupe, ce métal lourd est aussi radioactif. LES et la NRC doivent prendre en compte les effets nuisibles éventuels de l’uranium appauvri, avant que soit prise la décision de produire ces grandes quantités d’uranium appauvri, qui aggraveront les problèmes de gestion des déchets d’UA déjà créés.

Coûts de l’évacuation de l’uranium appauvri

Le choix d’une stratégie d’évacuation aura un impact significatif sur le choix du procédé de “déconversion” qui sera retenu. La “déconversion” de l’UF6 pourrait aboutir à au moins deux formes : l’UO2 appauvri ou l’U3O8 appauvri. Le choix dépend, en partie, de la méthode d’évacuation. L’IEER recommande pour les déchets une forme céramique, qui permet une immobilisation plus efficace des matières à l’échelle atomique. Ceci nous conduit à préférer l’UO2 appauvri.

L’IEER est arrivé à la conclusion qu’aucune des deux options présentées dans l’Étude provisoire d'impact sur l'environnement (l’utilisation des installations du DOE ou la construction d’une usine privée de “déconversion”), ne peut être considérée comme une stratégie vraisemblable pour l’évacuation des résidus d’uranium appauvri qui proviendraient de l’usine d’enrichissement proposée. Nous avons élaboré trois scénarios alternatifs de “déconversion” et d’évacuation qui nous apparaissent comme des options plus raisonnables. Les trois scénarios que nous proposons sont les suivants :

1. L’UF6 appauvri est converti en UO2 appauvri, scellé dans un coulis de ciment, puis évacué dans une mine deux fois plus petite que celle envisagée pour l’uranium appauvri du stock du DOE. L’acide fluorhydrique généré est ensuite neutralisé dans du fluorure de calcium (CaF2), qui est finalement évacué comme déchet de faible activité dans un site approprié.

2. L’UF6 appauvri est converti en UO2 appauvri, mis sous une forme céramique, et placé ensuite dans un stockage en couche géologique profonde du type de l’Installation pilote de confinement des déchets (WIPP) au Nouveau Mexique. Comme dans le Scénario 1, l’acide fluorhydrique généré est neutralisé dans du fluorure de calcium, qui est finalement évacué comme déchet de faible activité dans un site approprié. Ce scénario fait aussi intervenir des provisions pour les coûts supplémentaires à prévoir pour tenir compte des risques éventuels découverts dans les récentes études sur l’uranium appauvri.

3. C’est une variante du Scénario 2 ci-dessus, avec différentes hypothèses sur les coûts de l’entreposage et de l’évacuation du CaF2 ainsi que sur les coûts de fonctionnement du site de stockage en couche géologique profonde.

Nous avons fait une estimation des coûts pour la “déconversion” et l’évacuation de l’UA dans le cadre de ces trois scénarios. Les hypothèses et les estimations de coûts sont présentées dans le Tableau 4. Dans tous les scénarios, une provision de 25 % est prévue pour les circonstances imprévues. Les estimations de l’IEER pour les coûts raisonnables d’évacuation de l’UA, pouvant servir à la procédure d’autorisation, sont représentées par les Scénarios 2 et 3, qui supposent une évacuation de l’UA de la même manière qu’au WIPP, quelle que soit la catégorie de déchets qui lui est appliquée. Le classement des scénarios en catégorie GTCC renvoie simplement aux propriétés physiques et radiologiques de l’UA et aux risques qui lui sont liés.

Tableau 4 : Synthèses des hypothèses pour les trois scénarios de l’IEER pour la gestion et l’évacuation de l’UA

Scénario Hypothèses de “déconversion” Hypothèses d’évacuation Hypothèses financières Provisions dues aux risques de l’uranium Commentaires Coût par kilogramme d’uranium
Scénario 1 : UA cimenté UO2, cimenté Mine souterraine Risque de change de 10 % pour la “déconversion”  Aucune Les coûts de “déconversion” de l’UO2 sont supérieurs mais les coûts d’évacuation sont inférieurs, ainsi que les coûts globaux d’évacuation $13,59
Scénario 2 : GTCC, WIPP UO2, déchets sous forme céramique Équivalent au WIPP Risque de change de 30 % pour la “déconversion”  Augmentation de 19 % des éléments de coût de “déconversion” et d’évacuation Hypothèse basse pour les prévisions de coûts du WIPP, coûts faibles des céramiques, le risque uranium correspond à un risque aggravé pour les femmes  $23,79
Scénario 3 : GTCC, WIPP UO2, déchets sous forme céramique Équivalent au WIPP Risque de change de 30 % pour la “déconversion” Augmentation de 19 % des éléments de coûts de “déconversion” et d’évacuation Hypothèse moyenne pour les prévisions de coûts du WIPP, coûts faibles des céramiques, le risque uranium correspond à un risque aggravé pour les femmes $30,41

Remarque : Un total de 197 000 tonnes d’UF6 appauvri devrait être produit, ce qui correspond à environ 133 000 tonnes pour l’élément uranium. Des remarques et références supplémentaires pour ce tableau peuvent être trouvées aux pages 48 et 51 du rapport de l’IEER sur le projet LES.

Ces estimations se traduisent par un coût situé entre 3 et 4 milliards de dollars, pour gérer et évacuer correctement les déchets d’uranium appauvri produits par l’usine d’enrichissement d’uranium dont la construction est proposée au Nouveau Mexique. Quelque soit le scénario, les coûts lui correspondant s’opposeraient vraisemblablement toute rentabilité de l’installation, augmentant ainsi la probabilité d’un manquement aux obligations de “déconversion” et d’évacuation. Des coûts aussi élevés ne pourraient pas être récupérés auprès des clients des services d’enrichissement. Il est donc impératif que des garanties financières soient exigées d’avance comme faisant parties des conditions imposées pour accorder une autorisation d’exploitation. Dans sa demande d’autorisation de juillet 2004, LES a proposé de réserver 731 millions de dollars seulement pour couvrir les coûts de gestion de ses résidus d’UA.

Une autorisation, qui partirait du principe que LES pourrait recouvrer une somme approchant les coûts de l’évacuation de l’UA évoqués ici (et il ne s’agit pas d‘estimations de coûts les plus élevées possibles), prendrait le risque considérable d’imposer aux contribuables américains et aux générations à venir l’immense passif de la gestion et de l’évacuation de l’UA. Une garantie financière encaissable de départ d’au moins 2,5 milliards de dollars (cours actuel), convenablement réévaluée (c’est-à-dire indépendante de la santé financière de l’usine d’enrichissement proposée ou de ses ventes), est essentielle pour protéger les populations du Nouveau Mexique, les contribuables américains et les générations à venir des charges engendrées par l’UA qui serait produit par l’usine d’enrichissement proposée par LES.


Voir aussi :


LES NOTES BAS DE PAGE

1 Un certain nombre de facteurs ont entravé l’élaboration de ce rapport. En premier lieu, la NRC a imposé que ce rapport soit achevé dans un délai déraisonnable d’un mois seulement. Deuxièmement, le rapport a été préparé sans que LES accepte de dévoiler complètement l’état des informations et des négociations sur les coûts envisagés pour la “déconversion” de l’uranium appauvri (UA). Troisièmement, la NRC n’a pu/s’est avérée incapable de fournir les informations ayant servi de base à ses calculs de dose pour l’impact de l’évacuation de l’UA. Quatrièmement, la base de données publique de la NRC (ADAMS, Agency-wide Documents Access and Management System) a été pour l’essentiel indisponible du fait d’une étude de sécurité qui nous a enpêché d’accéder à des informations potentiellement importantes. L’IEER s’est réservé le droit de mettre à jour et de réviser son rapport.

2 Pour plus d’informations sur le processus d’enrichissement de l’uranium, les technologies concernées et la situation au niveau mondial, voir Énergie et Sécurité n° 31, mars 2005, à l’adresse web http://www.ieer.org/ensec/no-31/no31frnc/contents.htm.

3 L’UA peut être converti en plutonium 239 dans des réacteurs nucléaires, ce qui a été envisagé à une époque comme l’utilisation potentielle la plus importante de cet uranium appauvri. Toutefois, l’utilisation civile du plutonium est en fait très limitée, et l’utilisation de l’UA dans cette demande est négligeable comparée aux quantités d’uranium appauvri produites au cours des soixante dernières années.

4 U.S. Nuclear Regulatory Commission. In the Matter of Louisiana Energy Services, L.P. (National Enrichment Facility). Docket No. 70-3103-ML. Memorandum and order. CLI-05-05. Enregistré et notifié le 18/01/05. p. 26. Sur le web : http://www.nrc.gov/reading-rm/doc-collections/commission/orders/2005/2005-05cli.html.

5 Dans le cadre de l’article 10 CFR 55(a).

6 National Research Council. Board on Radioactive Waste Management. Committee on Improving the Scientific Basis for Managing Nuclear Materials and Spent Nuclear Fuel through the Environmental Management Science Program. Improving the Scientific Basis for Managing DOE's Excess Nuclear Materials and Spent Nuclear Fuel. Washington, DC: National Academies Press, 2003. Page. 67. Sur le web : http://books.nap.edu/books/0309087228/html/index.html.

7 10 CFR 61.

8 RCRA a établit un système pour une gestion solide des déchets solides, dangereux ou non dangereux

9 Pour des raisons de sûreté, on s’accorde généralement sur le fait que l’hexafluorure d’uranium appauvri (UF6 appauvri) doit finalement être soumis à une « déconversion » de sa forme réactive en une forme adaptée à l’évacuation, le dioxyde d’uranium appauvri (UO2 appauvri) ou l’oxyde d’uranium appauvri (U3O8 appauvri), pour la gestion à long terme ou l’évacuation. La NRC comme le DOE soutiennent qu’il n’y a pas de danger à stocker l’UF6 appauvri pendant des périodes prolongées.

10 Dans le cadre de la Loi amendée sur la privatisation de l’USEC (42 U.S.C. 2297h-10), le DOE a l’obligation d’accepter l’UA provenant des usines d’enrichissement. Le prix que le DOE peut facturer pour ce service à l’avenir n’est pas fixé actuellement. Néanmoins, des versions antérieures de lois sur l’énergie envisagées par la Chambre des Représentants et le Sénat auraient limité le prix pouvant être facturé par le DOE à une somme qui ne dépasserait pas 71 à 90 cents par kilogramme d’UA. La Loi sur la politique énergétique (Energy Policy Act) de 2005, récemment votée par la Chambre (H/R/ 6, vote du 21 avril 2005), a fait disparaître cette disposition. Aucune version du Sénat de la loi sur l’énergie de 2005 n’a encore été proposée.

11 U.S. Nuclear Regulatory Commission. Office of Nuclear Material Safety and Safeguards. Division of Waste Management and Environmental Protection. Environmental Impact Statement for the Proposed National Enrichment Facility in Lea County, New Mexico: Draft Report for Comment. NUREG-1790. Washington, DC, septembre 2004. Sur le Web : http://www.nrc.gov/reading-rm/doc-collections/nuregs/staff/sr1790/.

12 Même soumis à une décision de justice, le DOE a violé son obligation légale de prendre en charge les combustibles usés provenant des centrales nucléaires à partir de janvier 1998. Il prévoit maintenant que la fin 2012 serait la date la plus proche pour accueillir les déchets.

13 En supposant une densité de 3 g/cm3, le volume de poudre d’U3O8 appauvri proposé pour l’évacuation dans le cas du CEC aurait représenté à lui tout seul environ 20 000 m3. (NRC CEC FEIS 1994 p. A–1, A–7)

14 À titre de comparaison, le réseau des Grands Lacs contient environ 23 000 km3 d’eau, représentant environ 18 % des réserves mondiales totales en eaux douces de surface. (Atlas des Grands lacs de l’EPA)

15 Au cours des très longues durées qui doivent être prises en compte pour l’évacuation de l’uranium appauvri, les impacts du changement climatique naturel et éventuellement anthropogène doivent être analysés pour déterminer le scénario d’utilisation des terres et les paramètres météorologiques adaptés à la modélisation des doses. Bien que dépassant le cadre du présent rapport, ces considérations plaident en faveur de l’utilisation d’un scénario de fermier vivant en autarcie pour ce type d’analyses génériques préalables.

16 Louisiana Energy Services. National Enrichment Facility Safety Analysis Report. Rev. 2. [Albuquerque, NM?], juillet 2004. Sur le web : http://www.nrc.gov/materials/fuel-cycle-fac/ml043540004.pdf. p. 10.3–3.

 


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(La version anglaise de ce numéro, Science for Democratic Action v. 13, no. 2, a été publiée en juin 2005.)

Mise en place décembre 2005