IEER | Énergie et Sécurité No. 31

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"La science pour les masses critiques" apparaîtra régulièrement dans Énergie et Sécurité. Elle fournira aux lecteurs des éléments de référence technique pour les questions de politique discutées dans chaque numéro, ainsi que l'occasion de mesurer leurs connaissances sur ces points techniques.

L’Eenrichissement de l’Uranium dans le Monde


Le tableau ci-dessous offre un résumé des informations actuellement disponibles sur la situation des installations d’enrichissement de l’uranium dans le monde. Il fait apparaître le type de procédé utilisé par l’usine, sa capacité d’enrichissement et sa situation opérationnelle, ainsi que d’autres informations. Le tableau est organisé par groupe et en fonction du pays, en incluant les Etats officiellement détenteurs d’armes nucléaires (Chine, États-Unis, France, Royaume Uni et Russie), les Etats détenteurs d’armes nucléaires qui ne sont pas signataires du Traité de non-prolifération (Inde, Israël et Pakistan), les Etats « préoccupants » pour les États-Unis (Iran, Irak et Corée du Nord), et des pays qui ne sont pas soupçonnés d’avoir des ambitions nucléaires militaires pour le moment (Argentine, Australie, Brésil, Allemagne, Japon, Pays-Bas, Afrique du Sud et Corée du Sud). Il est possible que d’autres pays aient procédé à des expérimentations d’enrichissement de l’uranium en laboratoire.

Il faut garder deux éléments à l’esprit en examinant ce tableau. Premièrement, il ne comprend que les installations qui sont connues à travers des accords de garantie internationaux, ou des informations publiées ou divulguées par des pays ou par quelqu’un dans les pays concernés. Il est important de prendre en compte cet aspect, étant donné la possibilité d’existence d’installations clandestines (particulièrement d’usines à centrifugation gazeuse). Les récentes révélations autour du réseau d’A. Q. Khan offrent un exemple frappant de prolifération illicite de la technologie de l’enrichissement, menée au moins en partie par des personnalités privées.

Deuxièmement, même pour les installations connues, il existe souvent des informations contradictoires concernant la situation opérationnelle actuelle et la capacité. Autant que possible, les contradictions dans les informations sont relevées, mais cela n’a pas été possible pour les capacités de chaque usine. En général, les différences signalées dans les capacités des installations n’étaient pas significativement différentes entre les sources, et les informations reprises sont donc représentatives de la capacité de production estimée des installations présentées.

Le tableau est basé sur le Tableau 2 du rapport d’octobre 2004 de l’IEER, Enrichissement de l’uranium : des points de repère pour alimenter un véritable débat sur la prolifération nucléaire et l’énergie nucléaire Les principales sources utilisées pour ce tableau sont notamment des informations réunies par l’Agence internationale de l’énergie atomique, ainsi que par un certain nombre d’organisations non gouvernementales reconnues pour l’importance de leur travail dans ce domaine. Les références sont précisées dans le rapport lui-même, qui peut être consulté sur le site web de l’IEER (www.ieer.org/reports/uranium/enrichment.pdf).

États officiellement détenteurs d’armes nucléaires : Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie

Nombre d’installations Procédé / Taille des installations1 Situation opérationnelle actuelle / Capacité nominale (en milliers d’UTS par an) 
Chine2
3 Diffusion gazeuse / commerciale Une usine en cours de déclassement.
Une usine achevée dans les années 1970 / >200 000 UTS/a.
3 Centrifugation /commerciale Une usine en cours de construction / >500 000 UTS/a La prochaine phase de construction créera une nouvelle installation.
Deux usines démarrées en 1996 et 1998, produisant de l’UFE soumis aux garanties de l’AIEA / 500 000 UTS/an.
1 Diffusion gazeuse / laboratoire Non communiqué.
1 CRISLA Non communiqué.
1 Eventuelle installation d’enrichissement pour de l’uranium de qualité militaire Non communiqué.
France
2 Diffusion gazeuse / commerciale Une usine démarrée en 1979 /10 800 000 UTS/an.
Une usine en cours de déclassement / 0 UTS/an selon l’AIEA.
1 Centrifugation /commerciale Prévue / 7 500 000 UTS/an.
Mise à l’arrêt en 1988 / 0 UTS/an selon l’AIEA.
1 Echange chimique / Usine pilote Un laboratoire mis à l’arrêt en 2003 / 0 UTS/an selon l’AIEA.
2 Laser (SILVA) / Laboratoire Un autre peut-être mis à l’arrêt, peut-être à l’étude / 0 UTS/an selon l’AIEA.
Russie3
4 Centrifugation / Commerciale Une usine démarrée en 1949 /7 000 000 UTS/an.
Une usine démarrée en 1950 /4 000 000 UTS/an.
Une usine démarrée en 1954 /1 000 000 UTS/an.
Une usine démarrée en 1964 /3 000 000 UTS/an.
Royaume-Uni
1 Centrifugation /commerciale Démarrage en 1972 / 2 300 000 UTS/an.
1 Diffusion gazeuse / commerciale Déclassée.
États-Unis
3 Diffusion gazeuse / commerciale Une usine démarrée en 1954 puis modernisée dans les années 1970 / 11 300 000 UTS/an.
Une usine démarrée en 1956 puis modernisée dans les années 1970, fermée en 2001, et maintenant en attente / 7 400 000 UTS/an.
Une démarrée en 1945, fermée en 1985.
3 Centrifugation /commerciale Une usine prévue / 3 500 000 UTS/an d’ici 2010.
Une usine est proposée, envisagée pour 2010 ou 2011 / 3 000 000 UTS/an.
Une usine dont la construction a été reportée (demande d’autorisation retirée).1
1 AVLIS / Laboratoire Démarrée en 1991, fermée en 1999.
1 Centrifugation / Usine pilote Devrait démarrer en 2005 / 0 UTS/an selon l’AIEA.

 

Etats dotés d’armes nucléaires, non signataires du TNP : Inde, Israël, Pakistan

Nombre d’installations Procédé / Taille des installations1 Situation opérationnelle actuelle / Capacité nominale (en milliers d’UTS par an) 
Inde
2 Centrifugation / Usine pilote Une usine démarrée en 1990 / estimée à <3 000 UTS/an.
Une usine achevée en 1985 / capacité non communiquée.
1 Laser / Laboratoire Démarrage au début des années 1980 / capacité non communiquée.
1 Laser / Usine pilote Démarrage en 1993/ capacité non communiquée.
Israël
1 Laser et centrifugeuse à gaz / Laboratoire & usine pilote Non communiqué.
Pakistan
1 Centrifugation /commerciale Démarrage en 1984 / 5 000 UTS/an (l’AIEA indique qu’elle devrait être portée à environ 15 000 UTS/an).
2 Centrifugation / Laboratoire Non communiqué. Une usine en fonctionnement. Situation opérationnelle inconnue pour l’autre.
1 Non communiqué En cours de construction à la fin des années 1990 ?

 

États « préoccupants » pour le gouvernement des États-Unis : Iran, Irak et Corée du Nord

Nombre d’installations Procédé / Taille des installations1 Situation opérationnelle actuelle / Capacité nominale (en milliers d’UTS par an) 
Iran
1 Centrifugation /commerciale Démarrage prévu début 2005 / capacité estimée à 250 000 UTS/an.
1 Centrifugation / Usine pilote Démarrage en août 2003 / capacité non communiquée, comprendra 1000 centrifugeuses.
1 ? Non communiqué. Site d’enrichissement potentiel.
2 Centrifugeuse ? Non communiqué. Une installation soupçonnée d’être un site d’enrichissement potentiel. Une autre installation serait un programme de recherche sur la centrifugation de l’uranium.
1 Lasers ou Centrifugation ? Non communiqué. Une usine soupçonnée d’être un site d’enrichissement potentiel.
Iraq5
1 EMIS / Prototype « Opérationnel jusqu’aux dégâts occasionnés par une attaque aérienne de la Coalition (1991) » / 0 UTS/an.
2 Centrifugation / Prototype Activités d’une usine transférées ailleurs en 1987 ; les opérations de l’autre usine arrêtées au début de la Guerre du Golfe de 1991 / 0 UTS/an.
1 Méthode de séparation isotopique par échange chimique / Laboratoire « Opérationnel jusqu’aux dégâts occasionnés par une attaque aérienne de la Coalition (1991) » / 0 UTS/an.
2 EMIS / Commerciale Une usine « partiellement opérationnelle jusqu’aux dégâts occasionnés par une attaque aérienne de la Coalition (1991) ; des installations et des équipements liés au procédé EMIS ont été ultérieurement détruits par l’AIEA. » Une autre usine « en construction jusqu’aux dégâts occasionnés par une attaque aérienne de la Coalition (1991) ; des installations et des équipements ont été ultérieurement détruits par l’AIEA. » 0 UTS/an.
Corée du Nord6
1 Installation de traitement de minerai d’uranium et installation d’enrichissement de l’uranium suspectée Non communiqué.
2 Installations nucléaires souterraines suspectées Non communiqué.
1 Institut de Recherche laser Non communiqué.
1 Installation d’enrichissement de l’uranium suspectée Non communiqué.

 

Autres Etats, programmes de recherche ou commerciaux : Argentine, Australie, Brésil, Allemagne, Japon, Pays-Bas, Afrique du Sud, Corée du Sud

Nombre d’installations Procédé / Taille des installations1 Situation opérationnelle actuelle / Capacité nominale (en milliers d’UTS par an) 
Argentine
1 Diffusion gazeuse / Usine pilote Démarrage avant 1983, en sommeil en 1990 / 20 000 UTS/an.
1 Diffusion gazeuse / commerciale En construction (la programmation ou la construction a peut-être démarré en 1997) / 100 000 UTS/an.
Australie
1 Laser (SILEX) / Laboratoire Démarrage en 1992 (la 2e phase devait s’achever fin 2004 ou début 2005 ; la 3e phase comprend la construction et l’exploitation d’une Usine pilote, probablement aux Etats-Unis. / 0 UTS selon l’AIEA.
Brésil
1 Centrifugation / Laboratoire Démarrage en 1992 / 5 000 UTS/an.
2 Centrifugation / Usine pilote Une usine démarrée en 1998 /4 000 UTS/an.
Démarrage d’une usine en 1982/ capacité non communiquée.
1 Centrifugation /commerciale « Ultracentrifugeuse » en construction, démarrage prévu en 2004 / 120 000 UTS/an (devrait être portée ultérieurement à 200 000 UTS/an).
1 Laser (AVLIS) / Laboratoire Démarrage en 1981 / 0 UTS selon l’AIEA.
2 Séparation par tuyère / Usine pilote Démarrage d’une usine en 1979, fermeture en 1989, en cours de déclassement / 0 UTS/an selon AIEA.
Une usine annulée.
1 Centrifugeuse Proposée / capacité non communiquée.
Allemagne
1 Centrifugation /commerciale Démarrage en 1985 / 1,800 000 UTS/an.
1 Centrifugation / Laboratoire Démarrage en 1964 / 0 UTS/an.
1 Séparation par tuyère / Usine pilote Déclassée.
Japon
1 Centrifugation /commerciale Démarrage en 1992 / 1 050 000 UTS/an.
2 Centrifugation / Usine pilote Démarrage d’une usine en 1989, d’une autre en 1979, les deux ont été fermées en 2004 et sont en cours de déclassement.
1 Echange chimique / Usine pilote Démarrée en 1986, fermée en 1991.
1 Laser (MLIS) / Laboratoire Démarrage en 1991, fermeture en 2003 / 0 UTS/an selon l’AIEA.
1 Laser (AVLIS) / Laboratoire Démarrage en 1987, fermeture en 2005 (programmée), déclassement / 0 UTS/an selon l’AIEA.
Pays-Bas
1 Centrifugation /commerciale Démarrage en 1973 / 2 200 000 UTS/an.
Afrique du Sud
1 Laser (MLIS) / Usine pilote Démarrée en 1995, fermée en 1998.
1 Séparation par tuyère / Usine pilote Démarrée en 1978, fermée en 1990, déclassement.
1 Hélicon / Commercial Démarrage en 1986, fermeture en 1996, en cours de déclassement.
Corée du Sud
1 Laser (AVLIS) / Laboratoire Expérimentations effectuées au début de l’an 20007/ capacité non communiquée.

 


Voir aussi :


NOTES DU TABLEAU

1. Une échelle commerciale renvoie à la taille de l’installation. Une installation commerciale et une installation militaire diffèrent essentiellement par la façon dont elles sont gérées, et non par la façon dont elles sont construites. De nombreuses installations utilisées dans des pays détenteurs d’armes nucléaires et indiquées comme commerciales ont produit de l’UHE pour des armes nucléaires par le passé.

2. Les sources secondaires qui ont permis de réunir les données sur la Chine présentent un grand nombre d’informations contradictoires, qui permettent difficilement de déterminer combien d’usines ont été construites ou sont prévues.

3. Le Center for Nonproliferation Studies du Monterey Institute indique que « l’Union soviétique a mis un terme en 1989 à la production d’uranium hautement enrichi à des fins militaires. »

4. Toutes les usines d’enrichissement russes ont commencé sous formes d’installations de diffusion gazeuse, mais ont été modernisées avec des centrifugeuses à gaz au début des années 1960. Les trois premières usines citées sont impliquées dans la dilution de l’UHE en UFE dans le cadre de l’accord américano-russe sur l’UHE.

5. La Guerre du Golfe de 1991, et les inspections ultérieures des Nations unies ont mis fin au programme nucléaire irakien. En avril 2003, quand l’invasion de l’Irak menée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni a renversé le gouvernement, toutes les installations irakiennes ont été arrêtées. Les éléments indiqués proviennent des rapports de la Fondation Carnegie pour la paix internationale.

6. Nous indiquons des sites possibles Il s’agit d’informations très incertaines.

7. Selon un communiqué Reuters du 2 septembre 2004, le gouvernement sud-coréen a déclaré que « toutes les installations et l’uranium ont été détruites immédiatement après les expérimentations. »


ACRONYMES

AVLIS : Atomic Vapor Laser Isotope Separation, connu sous le nom de SILVA en France

CRISLA : Chemical Reaction by Isotope Selective Laser Activation (Réaction chimique par activation laser sélective des isotopes)

EMIS : Electromagnetic Isotope Separation Method (méthode de séparation isotopique électromagnétique)

UHE : Uranium hautement enrichi

AIEA : Agence internationale de l’énergie atomique

UFE : Uranium faiblement enrichi

MLIS: Molecular Laser Isotope Separation (Séparation isotopique moléculaire par laser)

MUTS/a: million d’UTS par an

SILEX: Separation of Isotopes by Laser Excitation (Séparation d’isotopes par excitation au laser)

SILVA: Séparation Isotopique par Laser de la Vapeur Atomique d'uranium


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(La version anglaise de ce numéro, Science for Democratic Action v. 13, no. 1, a été publiée en mars 2005.)

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