par Arjun Makhijani
Sommaire et recommandations
Une somme d’argent à la fois énorme et injustifiable – de l’ordre de 100 milliards de dollars au niveau mondial – a d’ores et déjà été dépensée au cours des cinquante dernières années pour financer des tentatives de mise en place d’une économie basée sur le plutonium. Aucune baisse des subventions n’est en vue, et aucun moyen raisonnable n’existe qui permettrait de trouver une solution aux nombreux problèmes qui restent en suspens dans un avenir prévisible.
Si l’on avait suivi des critères rationnels strictement économiques ou de sécurité, l’industrie civile des surgénérateurs et de la fabrication de combustible au plutonium aurait dû disparaître de la scène mondiale des choix énergétiques il y a au moins une dizaine d’années. Pourtant, plusieurs pays continuent actuellement la séparation du plutonium civil, ce qui aggrave encore la situation. De plus, certains pays poursuivent actuellement des projets d’utilisation de surgénérateurs. Au cours des années 1990, il y a eu une augmentation considérable de l’utilisation sans justification économique du plutonium comme combustible (sous forme de mélange d’oxydes de plutonium et d’uranium, ou MOX) dans les réacteurs déjà existants, ce qui a abouti à la création d’un nouvel ensemble de subventions pour l’industrie du plutonium.
Les perspectives d’avenir de l’utilisation du plutonium ont subi un nouveau revers spectaculaire fin 1999, lorsque le Japon a suspendu ses achats de combustible MOX en provenance de Grande-Bretagne. La toute première cargaison expédiée par bateau par la compagnie British Nuclear Fuels (BNFL) s’est révélée contenir du combustible dont les données concernant le ‘contrôle-qualité’ avaient été en partie falsifiées. Suite à cela, l’Inspection des installations nucléaires (the Nuclear Installations Inspectorate, l’agence gouvernementale britannique chargée du contrôle de la sûreté nucléaire) a découvert que la compagnie BNFL souffrait de problèmes structurels dans sa gestion et dans sa culture de sûreté. Tout cela a abouti à une crise sérieuse au sein de BNFL qui a remis en cause l’avenir des opérations de retraitement et de fabrication de MOX en Grande-Bretagne, le pays qui possède les stocks de plutonium civil séparé les plus importants au monde. A la crise japonaise du combustible MOX est venu s’ajouter l’accident de criticité survenu dans une installation de traitement du combustible à l’uranium de Tokaïmura fin septembre 1999, qui a provoqué la mort de deux travailleurs suite à leur exposition à des niveaux élevés de rayonnements, les premiers décès de ce genre au Japon depuis le bombardement de Nagasaki.
Même si l’on mettait fin immédiatement à la séparation du plutonium civil et militaire, il resterait néanmoins à régler le vaste problème de la gestion des stocks de plutonium civil séparé – dont la quantité commence actuellement à s’approcher de celle des stocks militaires. Malgré cela, la séparation du plutonium civil est actuellement poursuivie dans plusieurs pays, aboutissant à une aggravation de la situation. Il est donc urgent à la fois de mettre fin au retraitement civil et de mettre sur pied un programme permettant de mettre le plutonium civil et le plutonium militaire en surplus en une forme non utilisable pour la fabrication d’armes, de façon aussi rapide que possible tout en respectant les critères de protection de la sûreté, de la santé et de l’environnement.
Conclusions principales
- Chercher à faire du plutonium un pilier de l’approvisionnement en électricité est une idée très coûteuse, sanctionnée par l’échec.
Environ 70 milliards de dollars (en dollars de 1999) ont été dépensés à travers le monde pour la construction de surgénérateurs de tailles relativement importantes, ainsi que pour le retraitement civil et les subventions versées pour l’utilisation du combustible MOX. Ce chiffre ne prend pas en compte les éléments suivants : les coûts relatifs aux surgénérateurs de tailles relativement modestes, à la recherche et au développement du retraitement, – notamment à l’usine de retraitement de Rokkasho-mura qui est en cours de construction (pour un coût d’environ 20 milliards de dollars) -, les coûts nets de l’exploitation des surgénérateurs, ceux liés à l’allongement de la durée d’entreposage du plutonium, ainsi qu’à la mise à l’arrêt définitif et la décontamination. Si l’on prend en compte les dépenses principales que nous venons de citer telles qu’elles ont été effectuées à ce jour, on aboutit à une note d’environ 100 milliards de dollars pour la poursuite du rêve d’une économie basée sur le plutonium. Même si l’on mettait fin immédiatement aux nouvelles tentatives de commercialisation du plutonium à grande échelle, le coût final de la mise en place ratée d’une filière au plutonium atteindrait un montant bien supérieur aux 100 milliards de dollars mentionnés plus haut, une fois pris en compte les coûts futurs – tels que ceux du démantèlement des usines de retraitement et des surgénérateurs. - Le retraitement du combustible irradié provenant des centrales nucléaires civiles n’est pas rentable et est actuellement, et de loin, le plus gros responsable de l’accumulation des matières utilisables pour la fabrication d’armes nucléaires au niveau mondial.
Les grandes puissances ont officiellement cessé de produire du plutonium et de l’uranium hautement enrichi à des fins militaires. Il n’y a quasiment aucune fabrication d’uranium hautement enrichi pour le commerce ou pour la recherche. Même si l’on prend en compte l’utilisation du plutonium civil dans le combustible MOX, l’exploitation des usines de retraitement militaires – qui serait officiellement poursuivie pour une gestion non-militaire du combustible – contribue bien moins à l’accroissement du stock de plutonium séparé que les surplus provenant du retraitement civil.
L’échec technique et économique des surgénérateurs en général, doublé du coût élevé du retraitement et du combustible MOX pour réacteurs à eau légère – comparé au coût de l’uranium faiblement enrichi – sont les principales raisons qui expliquent que le taux d’utilisation du plutonium en réacteur se situe bien en dessous du taux de sa séparation du combustible irradié. L’accroissement annuel des stocks de plutonium civil est d’environ 10 tonnes. La quantité mondiale de plutonium civil séparé s’élève à environ 200 tonnes. L’accumulation constante des stocks de plutonium séparé à l’échelle mondiale n’est possible que grâce aux subventions des gouvernements et aux factures payées par les consommateurs d’électricité.
Le retraitement et l’utilisation du combustible MOX, qui ne sont rentables ni l’un ni l’autre, aboutissent à des coûts énormes – directs aussi bien qu’indirects – qu’il s’agisse de l’entreposage du plutonium ou des rejets des polluants radioactifs, notamment dans la mer d’Irlande et la Manche, et de leur dispersion dans l’environnement.
- Les énormes stocks croissants de plutonium civil séparé ont créé un nouveau problème majeur de prolifération
Le plutonium provenant des centrales nucléaires civiles peut être utilisé pour la fabrication d’armes nucléaires. Il est très improbable que ce type de plutonium soit utilisé par les Etats déjà nucléarisés pour fabriquer des armes atomiques, puisqu’ils possèdent du plutonium de qualité militaire, qui a une teneur supérieure en plutonium 239. En revanche, des Etats non nucléarisés, ne possédant pas de matières utilisables pour la fabrication d’armes atomiques, et des groupes terroristes, n’hésiteraient pas à s’en servir pour peu qu’ils aient la possibilité de s’en procurer et la volonté et les moyens techniques de fabriquer des armes nucléaires. Il suffit de 7 à 8 kilogrammes de plutonium de qualité réacteur pour fabriquer une arme nucléaire relativement rudimentaire. Sur la base de ce chiffre, le stock actuel de plutonium civil séparé est équivalent à plus de 25 000 bombes atomiques.
- La conversion du surplus de plutonium de qualité militaire en combustible et son utilisation dans les centrales nucléaires civiles soulèvent toute une série questions inquiétantes.
La grande majorité des réacteurs civils a été conçue pour utiliser de l’uranium et non du combustible MOX, dans lequel les isotopes du plutonium fournissent la matière fissile. Ces réacteurs pourraient avoir besoin d’être modifiés afin d’y ajouter des barres de contrôle supplémentaires. Bien que le plutonium obtenu à partir du combustible civil irradié soit actuellement utilisé dans des centrales nucléaires civiles en France, en Allemagne, an Belgique et en Suisse, le plutonium de qualité militaire n’a jamais été utilisé comme combustible civil dans des réacteurs. Les conséquences d’un accident dans un réacteur chargé en combustible MOX seraient plus graves que si le réacteur était chargé avec du combustible à l’uranium. De nouveaux risques de prolifération seraient engendrés. De plus, il y a peu de chance que le problème de la responsabilité civile engagée par ce programme soit résolu de manière réaliste – notamment pour ce qui concerne le versement de dommages et intérêts en cas d’accident grave.
- L’immobilisation du plutonium civil par l’une des techniques disponibles serait un moyen plus rapide, moins coûteux et plus sûr de mettre le plutonium sous une forme non utilisable pour la fabrication d’armes atomiques.
L’utilisation du plutonium comme combustible ne sera pas rentable dans un avenir prévisible. En d’autres termes, il faut essentiellement envisager sa gestion avec comme objectif la sûreté, la non prolifération, et la protection de l’environnement dans le court terme aussi bien que le long terme. Dans ces conditions, l’immobilisation représente une démarche bien plus sûre, rapide et rentable pour la gestion du plutonium séparé que son utilisation sous forme de combustible MOX.
- Il serait préférable que des compagnies telles que Cogéma en France, qui ont une compétence en matière de retraitement, de gestion des déchets nucléaires et de fabrication du combustible MOX, tirent parti de leur expérience et leur connaissance du sujet pour l’immobilisation du plutonium.
Les technologies de l’immobilisation du plutonium ressemblent en de nombreux points à celles de la fabrication du combustible MOX et de la vitrification. Les étapes nécessaires à l’immobilisation sont dans certains cas proches de celles nécessaires pour la fabrication du combustible MOX. L’ancrage idéologique en faveur de la filière du plutonium des compagnies telles que Cogéma ou British Nuclear Fuels et de certains ministères des affaires nucléaires, comme par exemple Minatom en Russie, empêche la reconnaissance des réalités écologiques et économiques, ainsi que des problèmes de non prolifération, qui semblent tous aller dans le même sens: l’immobilisation plutonium. L’un des facteurs-clé qui a jusqu’ici empêché l’arrêt du retraitement est la peur des travailleurs de perdre de leur emploi. Pourtant, ce problème serait considérablement atténué voire même peut-être complètement éliminé par la construction et l’exploitation d’installations pour l’immobilisation de la totalité du plutonium civil séparé ainsi que de l’excédent de plutonium militaire, et par la mise en place de meilleurs programmes de réhabilitation des sites contaminés.
- La France, le pays qui possède la plus importante infrastructure dédiée à une filière au plutonium, a déjà dépensé une somme totale de presque 20 milliards de dollars pour ce programme depuis environ l’année 1960. Ce chiffre ne prend pas en compte plusieurs éléments de coûts importants, pas plus que les obligations financières qui résulteront du programme entrepris par le passé. La France continue de dépenser annuellement environ un milliard de dollars pour son programme de combustible MOX.
La France a construit le surgénérateur le plus grand au monde, elle a la plus grande capacité de retraitement du combustible irradié civil, elle a retraité plus de combustible civil (le sien et celui d’autres pays) qu’aucun autre pays, et enfin elle possède la plus importante infrastructure dédiée à une filière au plutonium. Le coût net du programme plutonium français s’élève jusqu’ici à environ, 20 milliards de dollars. Ce chiffre ne prend pas en compte les coûts de la recherche et du développement pour les surgénérateurs, les coûts nets d’exploitation des surgénérateurs et les coûts pour la modification des réacteurs à eau ordinaire pour l’utilisation du combustible MOX. Les coûts à venir, parmi lesquels le retraitement ultérieur et les coûts de démantèlement des usines de retraitement et des surgénérateurs existants viendront s’ajouter à ce total. La France continue de dépenser environ un milliard de dollars (net) pour son programme de plutonium, sans compter de nombreux coûts de recherche et d’infrastructure. Ces estimations sont pour des coûts nets qui prennent en compte le fait que l’utilisation du combustible MOX diminue les quantités d’uranium nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires.
- Les compagnies participant au programme russo-américain d’utilisation des surplus de plutonium militaire comme combustible dans les réacteurs à eau ordinaire – devront faire face à de sérieux problèmes non résolus de responsabilité civile. Ceux-ci pourraient avoir de graves conséquences financières pour elles dans le cas d’un accident de réacteur à l’échelle de Tchernobyl.
Malgré des années de négociations, la Russie et les Etats-Unis n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour déterminer qui endosserait la responsabilité civile du programme de combustible MOX. On admet volontiers dans les pays occidentaux que les réacteurs à eau ordinaire russes ne satisfont pas aux normes de sûreté appliquées chez eux. Ce sont en fait les pays occidentaux, et non la Russie, qui poussent à l’utilisation de MOX dans les réacteurs à eau ordinaire comme méthode d’élimination du plutonium. Il en découle, suivant la prise de responsabilité de chacun, que les compagnies participant à ce programme pourraient avoir à subir de lourdes pertes financières en cas d’accident important.
- Il est bien plus important de créer des barrières efficaces contre le vol et la réextraction par des terroristes que de chercher à atteindre la norme dite ‘du combustible irradié’.
Le choix de la ” norme du combustible irradié ” a énormément restreint les possibilités de la politique d’évacuation du plutonium, sans que cela n’apporte de bénéfice correspondant pour la non-prolifération. (La norme du combustible irradié impose que la difficulté de voler ou de réextraire du plutonium, après qu’il ait été traité pour l’évacuation, soit équivalente à celle présentée par le combustible irradié des réacteurs à eau ordinaire). Ceci vient du fait qu’il y a peu de chance que la Russie ou les Etats-Unis se relancent pour des raisons militaires dans une réextraction du plutonium qui est immobilisé ou présent dans le combustible irradié. Ces deux pays possèdent déjà de gros excédents de plutonium séparé de qualité militaire, qu’ils pourraient utiliser plus rapidement et à moindre coût, s’ils venaient à décider la fabrication d’autres armes atomiques. De plus, la Russie compte, d’ici quelques dizaines années, réextraire le plutonium contenu dans le combustible MOX irradié, ce qui ôte encore plus de sens à l’insistance sur la norme du combustible irradié. En effet, le plutonium ainsi séparé peut être utilisé pour la fabrication d’armes nucléaires, ce qui est en totale contradiction avec la norme du combustible irradié.
Recommandations
Notre principale recommandation est l’arrêt de toute tentative, directe ou indirecte, visant à mettre en place une économie basée sur le combustible au plutonium ou l’infrastructure nécessaire à cette économie. Les stocks de plutonium déjà créés devraient être gérés de façon à minimiser les risques écologiques sanitaires et liés à la prolifération.
Nos recommandations spécifiques sont les suivantes :
- Le retraitement civil devrait être stoppé
Il est d’une importance capitale que l’on arrête tout retraitement civil, ceci pour des raisons de non prolifération, de coût et de protection de l’environnement. Il est nécessaire de mettre fin à l’accumulation du plutonium commercial séparé, qui va engendrer d’importantes dépenses supplémentaires pour son entreposage, sa protection physique et son reconditionnement en une forme non utilisable pour les armes atomiques.
- L’utilisation du plutonium civil séparé comme combustible de réacteur devrait être arrêtée et le projet d’utilisation de l’excédent de plutonium militaire russe et américain sous forme de MOX devrait être abandonné.
L’utilisation du MOX sert de couverture à l’industrie nucléaire pour justifier la poursuite du retraitement civil. L’arrêt de l’utilisation du MOX fournira la dynamique nécessaire à l’arrêt du retraitement. Une telle démarche est justifiée d’un point de vue économique puisque le retraitement des combustibles irradiés et la fabrication de combustible MOX représentent un handicap économique si on compare cela à l’utilisation de combustible à l’uranium faiblement enrichi.
La France, le pays qui est sert de référence aux partisans du combustible au plutonium, utilise du MOX dans 20 centrales nucléaires, ceci malgré l’opinion exprimée en 1989 par sa compagnie d’électricité nationalisée, Electricité de France (EDF) estimant que le MOX n’est pas rentable. EDF a décidé d’accepter son utilisation parce qu’elle a pensé que cela pourrait avoir ” des conséquences négatives pour l’option nucléaire en général ” si elle ne le faisait pas.
L’utilisation de MOX pour l’évacuation du plutonium militaire serait justifié par le fait que c’est la seule manière de convaincre la Russie de mettre une partie de son plutonium militaire sous une forme non utilisable pour la fabrication d’armes nucléaires. Pourtant, la Russie ne cache pas qu’elle se servira du programme d’élimination du plutonium pour faire avancer son objectif de création d’une infrastructure pour le plutonium commercial – ce qui contredit l’objectif affiché, la transformation du surplus de plutonium militaire en une forme inutilisable pour les armes nucléaires. Par conséquent, l’utilisation de MOX civil et les programme d’utilisation de MOX avec pour objectif l’élimination du plutonium militaire devraient être abandonnés.
- La totalité du plutonium civil ainsi que l’excédent de plutonium militaire devraient être placés sous le système de surveillance de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA).
La mise sous surveillance de l’AIEA du plutonium utilisable pour les armes nucléaires, qu’il soit d’origine militaire ou civil, est une étape institutionnelle essentielle pour réduire les risques de détournement à des fins militaires, par des tiers ou par le pays dans lequel le plutonium se trouve. Une partie du plutonium se trouve sous une forme géométrique qui pourrait révéler certains aspects de la conception des armes nucléaires. Ces cœurs d’ogives en plutonium devraient être placés dans des containers qui peuvent être examinés sans révéler les détails de conception. De plus, ce plutonium devrait être converti sans délai en des formes géométriques non couvertes par le secret défense et placé sous la surveillance de l’AIEA.Comme beaucoup d’agences nationales chargées des affaires nucléaires, l’AIEA a la double fonction de promouvoir l’énergie nucléaire et de servir de garde-fou à la non-prolifération. Ses fonctions de surveillance sont en contradiction avec ses fonctions de promotion de l’énergie nucléaire. Ce conflit d’intérêt serait résolu si l’on retirait de sa charte cette fonction de promotion.
- L’élimination du plutonium militaire et civil devrait être conçue dans le cadre d’un programme d’ensemble d’immobilisation et d’entreposage.
Etant donné que le plutonium civil aussi bien que le plutonium militaire peuvent être utilisés pour la fabrication d’armes nucléaires et représentent des risques importants de prolifération, ils devraient tous deux être mis sous forme non utilisable pour les armes nucléaires. Leur immobilisation réduirait considérablement ces risques.
- Les méthodes d’immobilisation devraient être adaptées à la situation de chaque pays dans le contexte international de résistance à la prolifération.
Il existe un certain nombre de méthodes d’immobilisation qui permettent de rendre le plutonium résistant aux risques de prolifération. La méthode spécifique choisie par chaque pays dépendra de ses caractéristiques, comme par exemple, la taille du stock de plutonium devant être confiné, la quantité de déchets liquides de haute activité devant être mélangée avec le plutonium, l’infrastructure technologique déjà en place, etc. Les critères les plus importants du point de vue de la résistance à la prolifération devraient avoir trait à la prévention du vol et au degré de difficulté avec lequel le plutonium pourrait à nouveau être extrait de sa forme immobilisée – que ce soit par des pays ne possédant pas la capacités de fabriquer des armes nucléaires ou par des organisations terroristes.
- Les compagnies qui possèdent actuellement des programmes de retraitement et de MOX devraient mettre leurs compétences à profit pour l’immobilisation du plutonium
L’arrêt du retraitement et de l’utilisation du MOX s’impose afin de réorienter les efforts des compagnies telles que Cogéma et British Nuclear Fuels, ainsi que du ministère des affaires nucléaires russe, Minatom, vers l’immobilisation. La continuation du retraitement et des programmes de MOX ne fait qu’aggraver l’inertie et renforcer un espoir vieux d’un demi-siècle et totalement démenti par la réalité : l’utilisation du plutonium comme combustible.
L’arrêt du retraitement et de l’utilisation du MOX – accompagné d’un programme de maintien des emplois – pourrait aboutir à d’importants programmes d’immobilisation sur les sites-mêmes où l’on effectue actuellement le retraitement.
- La ” norme du combustible irradié “, bien qu’étant un objectif à atteindre pour l’élimination du plutonium, ne devrait pas être considérée comme un but premier, parce que cette norme limite trop le choix de méthodes d’évacuation.
Les objectifs principaux de l’élimination devraient être la prévention du vol et la création d’obstacles importants à la réextraction par des tierces parties qui ne possèdent pas actuellement d’importants stocks de plutonium. La norme du combustible irradié joue en faveur de l’utilisation du MOX, en particulier en Russie. L’ironie de la situation est que la Russie compte retraiter le combustible MOX, ce qui réduirait à néant les efforts visant à respecter la norme du combustible irradié en recréant du plutonium séparé. Même si ce plutonium séparé se trouvait sous la surveillance de l’AIEA, il se trouverait sous une forme bien plus dangereuse que le plutonium immobilisé du point de vue des critères de non-prolifération. Par conséquent, parvenir à la norme du combustible irradié devrait être considéré comme un objectif très secondaire qui ne devrait pas laisser compromettre des projets d’élimination du plutonium qui sont par ailleurs satisfaisants.
- Avant que le Japon et les pays européens dits ” riches ” se mettent d’accord pour financer l’élimination du plutonium russe et américain, ils devraient entreprendre une étude approfondie et un vaste débat public sur les risques de cette option.